Tisney

Les tentatives d'adaptations de Tintin au cinéma sont très nombreuses.

Si personne ne se souvient de Le Crabe aux pinces d'or 1947, les plus âgés n'ont pas oublié les films d'animation de Belvision Tintin et le Temple du Soleil 1969 et Tintin et le Lac aux requins. Et ne négligeons pas les films live avec Jean-Pierre Talbot: Tintin et le Mystère de la Toison d'or et Tintin et les oranges bleues.

Si le public les a aimés, Hergé ne les appréciait pas plus que ça pensant que les aventures de son héros n'étaient pas vraiment adaptables s'il n'y avait pas LA bonne personne qui serait aux commandes d'un nouveau projet d'adaptation Tintin au cinéma.

Ce n'est que lorsque Spielberg s'intéressa à son héros en 1981 qu'il fut enfin enthousiaste à l'idée de voir à nouveau Tintin sur grand écran après avoir vu Les Aventuriers de l'Arche Perdue: premier volet de la saga Indiana Jones.

Malheureusement, Hergé est emporté par une leucémie et ne put voir le projet aboutir, projet qui fut reporté à maintes et maintes reprises.

Ce ne fut qu'au bout de trente ans que Spielberg parvint à sortir son adaptation de Tintin en salles: Les Aventures de Tintin-Le Secret de la Licorne.

Mais malgré le fait que le film fut réalisé par un réalisateur considéré comme étant plein de talents après de nombreux films cultes, le public ne fut pas emballé par le long-métrage que ce fut les américains qui avaient pratiquement oublié Tintin depuis l'arrêt de la série d'animation Les Aventures de Tintin Ellipse-Nelvana ainsi que les puristes belges et français de l'univers du jeune reporter.

Résultat, alors qu'une suite était prévue, celle-ci ne vit pas le jour le public n'ayant pas apprécié le film malgré le fait que nombreux furent ceux qui se déplacèrent pour le voir.

Etait-ce mérité? Et bien, c'est compliqué.

Alors que certains espéraient voir un film live et que d'autres voulaient voir un film d'animation, Spielberg parvint à concilier les deux types de long-métrages en créant une oeuvre en performance-capture; un procédé consistant à filmer des acteurs et enregistrer leurs mouvements avant de les reproduire en animation.

Le résultat est visuellement assez réussi: on sent les mouvements authentiques des acteurs derrière la caméra tout en voyant une animation en 3D digne de l'oeuvre d'Hergé avec des personnages fidèles à leurs physiques pas très réalistes de toujours; sans compter les décors en images de synthèse absolument bluffants!

En plus de cela, Spielberg a créé un caricaturiste avec les traits d'Hergé (parlant malheureusement avec un accent belge trop stéréotypé que ce soit en VO ou en VF) en train de dessiner le visage de notre reporter préféré tel qu'il est dans la bande-dessinée.

De plus, Spielberg parvient à y ajouter sa touche personnelle avec un générique rappelant celui de Arrête-moi si tu peux tout en montrant des clins d'oeils à de nombreux albums, notamment le panneau d'un aéroport indiquant les villes et pays que Tintin a visité dans ses aventures y compris le pays imaginaire appelé Syldavie.

Et n'oublions pas la musique de John Williams, compositeur et musicien s'y connaissant parfaitement en ambiances de films d'aventure/épique.

Enfin, c'est bien joli de réussir la forme mais qu'en est-il du fond?

Ben la phrase pour qualifier le mieux ce dernier serait "Il y a de l'idée mais c'est pas vraiment ça.".

En effet, ceux qui espéraient voir une VRAIE adaptation du diptyque d'albums Le Secret de la Licorne/Le Trésor de Rackham le Rouge ne peuvent qu'être déçus étant donné que le film mélange surtout les albums Le Crabe aux pinces d'or et Tintin au Pays de l'or noir n'ayant rien à voir l'un avec l'autre.

De plus, Les Aventures de Tintin-Le Secret de la Licorne privilégie bien trop les scènes d'action au prix du délaissement de scènes de développement de personnages qui auraient pu nous permettre de nous attacher à eux si elles avaient été plus nombreuses.

Puisque nous parlons des personnages: alors que dans sa première apparition, l'alcoolisme du Capitaine Haddock faisait de la peine aux lecteurs, cet aspect du personnage est traité à la blague au grand dégoût des spectateurs.

En ce qui concerne Tintin, s'il est plutôt bien fidèle à sa personnalité d'aventurier casse-cou que nous connaissons bien, il est, malheureusement, physiquement le seul personnage à ne pas du tout ressembler ce qu'il est dans la BD; l'apparence du personnage dans le film étant trop proche de celle de son interprète VO, Jamie Bell, et non pas de Tintin lui-même.

Puisqu'on parle casting, le doublage VF est réussi. Benjamin Bollen est un Tintin dynamique et sympathique, Patrick Béthune est un très bon Capitaine Haddock (malgré les tares lui ayant été infligées par Spielberg), Guillaume Lebon et Pierre Laurent sont les Dupondt comme on les aime à savoir stupidement comiques mais parfois utiles malgré eux, Frédéric van den Driessche en Sakharine est un excellent méchant; intelligent, froid et sadique comme on les aime...

Attendez une minute! C'EST SAKHARINE LE MECHANT DU FILM?! Mais c'est un gentil et, surtout, un personnage tertiaire de Tintin dont personne ne se souvient! Ce choix est complètement idiot. Pourquoi ne pas avoir pris les frères Loiseau ou encore Allan qui avaient largement bien plus leurs places dans cette histoire? Encore plus insultant, Allan est passé du rôle d'antagoniste menaçant et inquiétant à sidekick de méchant pas futé. Franchement, on se serait bien passé de ça.

De plus, du côté des gentils, ce n'est pas vraiment mieux. Alors qu'il avait un rôle très important dans l'histoire, Tournesol n'existe pas dans le film!

Et ne parlons même pas de Milou qui n'est pas toujours utile à l'histoire alors que c'est censé être un chien parfois trop turbulent mais, toutefois, très intelligent.

Quant au reste du scénario, le fait d'avoir complètement réécrit plusieurs albums pour les condenser en un gloubiboulga maladroit et ajouté une histoire de combat ancestral entre la famille Haddock et celle de Rackham le Rouge est bien trop tirée par les cheveux et n'a pas sa place dans l'univers de Tintin.

Il y aurait tellement d'autres choses à dire: le fait que la Castafiore chante un air pris au pif dans un opéra français et non pas l'incontournable Air des bijoux, que des personnages bien connus de la BD ayant des liens amicaux entre eux soient réduits à de la figuration.

Cependant, malgré tous ces défauts, le film n'est pas raté pour autant: l'humour est drôle, le McGuffin du film...

...sont bien utlisés tout au long de l'histoire, l'amitié naissante entre Tintin et Haddock est bien écrite, le mystère autour de la licorne est bien géré; ou encore un passage montrant un "récit dans le récit" durant l'aventure est épique de façon spectaculaire.

Seulement, en dehors de tout ça, un problème majeur demeure: Les Aventures de Tintin-Le Secret de la Licorne n'est ni un film Tintin, ni un vrai film Spielberg. En effet, le choix de librement adapter l'histoire de base en la transformant voyage initiatique permettant d'apprendre à un protagoniste d'évoluer dans le bon sens tout en devant faire face à un méchant très méchant fait que ce film ressemble plus à un Disney qu'à une aventure de Tintin.

Il semblerait bien que Spielberg n'a pas compris que l'univers de Tintin n'est pas fait pour ce genre de film. C'est triste pour un réalisateur aussi talentueux qui avait le potentiel de faire un bien meilleur film que le résultat final à l'écran.