On l'attendait depuis longtemps, Spielberg était désireux de porter à l'écran les aventures du petit reporter à la houppette depuis 30 ans, il avait même rencontré Hergé pour ça après les Aventuriers de l'arche perdue, lorsqu'il avait appris à Hollywood qu'on comparait son héros à Tintin. Mais le postulat d'un film avec acteurs était risqué, aussi fallait-il se rabattre sur l'animation, mais attendre patiemment que les progrès de la technologie numérique permettent un traitement propre ; et qui d'autre que le père d'Indiana Jones aurait pu donner vie aux aventures de ce petit cousin européen qui chronologiquement, avait préfiguré Indy sans qu'il le sache ? On est donc loin des films français rigolos avec acteurs des années 60 qui avait amusé les tintinophiles sans jamais vraiment convaincre, et sans jamais supplanter les BD d'Hergé.
En s'associant avec Peter Jackson à la production, le projet est entre de bonnes mains, car Spielberg tire parti des progrès de la motion capture pour créer un univers qui a le réalisme d'un vrai film, et les couleurs imaginaires d'un film d'animation, c'est ce qu'il explique dans les bonus du DVD, c'est le premier film en 3D et motion capture réaliste, contrairement à tout ce qui avait été fait avant qui était d'ordre caricatural et humoristique. Ainsi numérisés, les acteurs Jamie Bell en Tintin, Andy Serkis en Haddock ou Daniel Craig en Sakharine, humanisent ce spectacle riche en effets spéciaux, mais qui respecte la Ligne Claire d'Hergé.
La mission de Spielberg et Jackson consistait à plaire à 2 sortes de publics : il fallait satisfaire le public européen et surtout franco-belge ayant été bercé par Tintin, comme ce fut mon cas, sans le décevoir par une américanisation trop poussée, mais aussi séduire le public américain qui ne connaissait pas l'oeuvre d'Hergé. De ce côté, les 2 compères s'en sont bien sortis, car tout en prenant des libertés avec l'intrigue du double album le Secret de la Licorne et le Trésor de Rackham le Rouge, combinée à une touche du Crabe aux pinces d'or, ils respectent l'esprit BD. Il est vrai que faire de Sakharine (à l'origine, personnage très secondaire) le grand méchant de cette aventure, peut surprendre les puristes, alors que le personnage de Rackham le Rouge avait du potentiel. Quant au choix du repiquage des bribes du Crabe aux pinces d'or qui ne reste pas dans mon souvenir un des meilleurs albums de Tintin, Spielberg et Jackson s'en expliquent aussi dans les bonus, c'était pour provoquer la rencontre entre Tintin et Haddock. Alors qu'on aurait pu s'attendre de la part d'un réalisateur américain, à ce qu'il adapte le diptyque sur la Lune qui aurait été assez logique, l'ensemble n'est pas si mal raccordé.
Quoi qu'il en soit, les rebondissements sont là, les hommages à Hergé aussi (le portrait dessiné au marché), c'est parsemé de petits gags et de clins d'oeil, le rythme est bon, les physionomies sont respectées, l'ensemble est bien maîtrisé, le cocktail d'humour, d'aventure et d'action fonctionne bien, même si la poursuite en moto est complètement abracadabrante (mais très drôle), Spielberg fait preuve de son savoir-faire avec sincérité, tout en mettant sa petite touche perso, imprimant un souffle à ce joli film d'aventure enrobé d'un parfum d'enfance. J'ai beaucoup aimé aussi le générique animé très subtil et bourré de symboles tintinesques, allant jusqu'à respecter les lettrages des albums, le tout sur une chouette musique au ton jazzy de John Williams. Une réussite visuelle et technique.