BLUE MOVIE est un film-charnière de l'Histoire du cinéma hollandais au succès retentissant dans son pays, équivalent à un EMMANUELLE en France ; si ce n'est plus puisqu'en 2019, il restait toujours cinquième du box-office national. Aujourd'hui, il peut-être vu comme un document historique passionnant, abordant tous les sujets brûlants de l'époque, sans tabou (pilule, libération des mœurs, révolution sexuelle, pornographie), tout ça dans le cadre d'un complexe HLM récemment sorti de terre (avant leur ghettoïsation et les effets secondaires ravageurs de leur création). Le film est également célèbre pour être le premier à avoir pu montrer, plein cadre, à la fois des sexes d'hommes mais aussi des sexes de femmes. L'ambiance est lancinante, les corps se croisent et s’enlacent d'appartements en appartements. Le temps y semble suspendu. Exactement comme ces trentenaires qui les peuplent, luttant maladroitement contre leur solitude, cherchant juste un peu de chaleur humaine, un peu de piment, un peu de sens dans une mégalopole de béton, des sentiments, bons ou mauvais.

Plus qu'un simple film X, ce qu'il n'est vraiment pas (OK on y voit bien quelques quéquettes - enfin surtout une, toujours la même - et une ou deux foufounes mais on n'est pas sur PornHub), BLUE MOVIE évoque plutôt un croisement du cinéma de Cronenberg, anticipant FRISSONS de quelques années : le HLM, les interactions entre ses habitants, la lente contamination de la libération des mœurs à tous les locataires, remplaçant ici le "parasite" ; et d'un cinéma européen de la Nouvelle Vague dont le réalisateur Wim Verstappen et surtout le producteur, Pim de la Parra, étaient très fans, anticipant les questionnements et les états d'âme des beaux personnages du sublime LES NUITS DE LA PLEINE LUNE de Rohmer. Pour ne rien gâcher, les acteurs sont bien dirigés. Les mouvements d'appareil, discrets, s'attardent sur les regards et révèlent doucement la grâce langoureuse de ces corps qui se frôlent, habillés ou non. Le directeur photo' Jan De Bont ne doit encore une fois pas y être étranger. Ce n'est pas pour rien que l'artiste deviendrait un directeur photo' incontournable dans son pays. Bref, si BLUE MOVIE n'est pas un chef-d’œuvre, loin de là, c'est tout de même autre chose qu'EMMANUELLE et il reste un film primordial pour qui s'intéresse au cinéma hollandais et au cinéma X européen, en général, beaucoup plus intelligent et contestataire dans son discours qu'il n'y paraît, quand on pense au "porno" d'une part, mais aussi plus novateur et rentre-dedans que beaucoup de films "classiques" de son époque, pavant peut-être la voie à l'un des chefs-d’œuvre de Paul Verhoeven, TURKISH DELIGHT.

Torrente
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le 16 janv. 2024

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