"Dans les années 90, Martin Scorsese, en exprimant son avis sur la jeune génération montante de l’époque, disait ne pas comprendre le cinéma de Quentin Tarantino. Rien de plus logique : bien que tous deux cinéastes de la violence, le vieux se laisse guider par la perception d’un personnage malgré toutes ses ambiguïtés ; le jeune – plus détaché – considère lui ses personnages comme des pantins où il n’est pas question de s’y attacher. Au parcours de Travis Bickle (Robert De Niro) dans Taxi Driver, on ne peut guère faire de comparaison à la mort sans envergure de Vincent Dega (John Travolta) dans Pulp Fiction. Nihiliste et post-moderniste, Tarantino était surtout un formaliste qui s’intéressait plus à la construction du scénario, diluant ainsi une vision assez déterministe du monde sous le voile de la pop-culture. Le cinéaste a depuis évolué en donnant une consistance de plus en plus passionnante à ses films, véritables catharsis des reprouvés de l’Histoire. Apparaissent alors des personnages principaux, auxquels nous sommes conviés à nous attacher. Mais ceux-ci, toujours sous l’égide de la vengeance, commettaient des actes de barbarie laissant circonspects une partie des spectateurs.


Les Huit Salopards (The Hateful Eight) règle en grande partie cette question : le « tous pourris » est de mise. Grand huis-clos mixant The Thing de Carpenter avec Les Dix petits nègres dans une ambiance western proche de Sergio Leone et de Sam Peckinpah (deux piliers de son cinéma), Quentin Tarantino semble faire la liaison entre ses premiers films (Reservoir Dogs et Pulp Fiction) avec ses derniers en dates (Inglorious Basterds et Django Unchained) ; il est aussi son plus radical. Lorgnant vers le théâtre filmé, Les Huit Salopards aurait pu être une unique scène comme Tarantino a pu en faire depuis Inglorious Basterds : on dialogue à l’extrême jusqu’au flot de sang final. Il s’agit cette fois d’étirer cette tension sur 3h de film. Marathon scénaristique, la mise en scène trouve aussi sa pleine mesure dans ces longs dialogues : chaque coupe, angle et raccord sont des chocs, des coups entre les personnages ; aucun répit ne leur est accordé. Le spectateur se retrouve immergé par les mots et la fureur de l’action. (...)"


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Malossanne
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le 6 janv. 2016

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