Je me souviens du choix le plus déchirant que j'ai pu rencontrer dans ma vie, c'était dans Kamiliola, une bande dessinée de neige qui fera se retourner dans leur lit les ineptes qui pensent que seul le cinéma a pu autant privilégier la neige dans son art, c'était histoire de choisir entre un poteau ou une vieille dame pour finir une course à skis, il vous suffira de lire l'album pour comprendre de quoi je parle, moi aujourd'hui, j'avais le choix entre regarder Chisum tranquillement au chaud et aller voir le dernier Tarantino, je voulais voir un western, le bon dieu m'a puni, je suis allé voir le Tarantino...


Pourtant, le bonhomme, je commence à en avoir ma dose, j'ai dû voir tous ses films au cinoche, rapport aux trois premiers qui sont plutôt réussis, allez savoir pourquoi je continue alors que les cinq derniers étaient moisis jusqu'à la glotte, la faute à l'absence de concurrence j'imagine, mais pourtant, mordicus, fallait bien que j'y aille, déjà le dernier, ce fut laborieux d'expliquer pourquoi le film porté aux nues n'était peut-être pas le chef d'oeuvre vanté partout, avec celui-là, au moins, normalement, tout le monde est d'accord, des critiques désastreuses, une première séance vide, on peut espérer que le soufflé retombe gentiment, à part ce bon vieux Guyness, franchement, qui voudrait défendre un truc pareil, l'opus Christie du saigneur, le huis clos ravageur qui tombe en sucre, la tentative d'histoire qui se termine en sucette dans le grand guignol désormais habituel et ne passant jamais la moitié du métrage.


Parce que, pour tout vous dire, moi, le côté rendez-vous des truands dans un chouette relais sous la neige, je suis plutôt partant, j'ai vu la chevauchée des bannis, je connais le potentiel de la chose, Tarantino aussi, c'est à se demander pourquoi il couille toujours à un moment après des points de départ aussi prometteurs...


Donc, huit salopards enfermés sous le blizzard, c'est plutôt sympathique, même si, à la longue, on a du mal à savoir qui sont les huit dans la douzaine de personnages présentés ici, mais pourquoi alors gâcher soigneusement chaque bonne idée pour n'en rien faire ? Pourquoi lancer cette histoire de pieux mal plantés parfaitement absurde pour la laisser à plat ? Pourquoi nous refaire dix-huit fois le coup des planchettes jusqu'à l'envie de meurtre ? Pourquoi souiller la chouette caractérisation des personnage par le plus vil et anachronique débat racial laborieux qui avait déjà coulé l'opus précédent ? Pourquoi essayer de faire croire que frapper une femme quarante-trois fois pendant le film, lui vomir du sang à la gueule, la couvrir de la cervelle de son frère et le tout sans jamais envisager de la nettoyer un peu pourrait-être le summum du fun et de la galéjade savoureuse ?


Il y avait pourtant dans ce fichu relais bloqué par la neige un vrai potentiel, on se surprendrait presque à penser à la façon dont Kubrick a gâché sa chance à lui si ce n'était pas complètement hors sujet, non, ici, le gâchis est plus complet et encore moins justifié, il y avait tout pour raconter une bonne histoire, pour utiliser au mieux ces trognes, ces voix, ce soupçon de mystère qui finalement ne tient jamais la route.


Et franchement, même un Walton Goggins insoutenable de bout en bout j'aurai pu le pardonner, un Tim Roth pour reprendre encore une fois le Christopher Waltz des derniers films, pourquoi pas, mais que cet analphabète dégénéré se force au moins à aller au bout de son histoire, je veux dire, pas de ces deux lignes qui composent son scénario ni de ces abominables tentatives pour retrouver les dialogues qui firent son succès, non, une vraie histoire, qu'il n'effleure même pas, souillant sauvagement son huis-clos par des flash-backs plus ou moins moisis, des voix off inopportunes, une musique accessoire qui aura seulement le mérite d'éviter les plus grosses fautes de Django, et le tout joliment enrobé dans une défense -que je partage- pour un certain format de cinéma, pour une certaine façon de faire du cinéma qui, malheureusement, semble le dépasser presque autant que l'essence du western, préférant noyer tout ça dans le gore habituel pour prépubères malsains, c'est un choix, ce n'est pas forcément le mien.

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le 6 janv. 2016

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Torpenn

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