Commençons tout de suite par ce qui m'a déplu - on sera débarrassés :


Le début, que j'ai trouvé plutôt long, et surtout très (trop) bavard, les personnages se perdant dans des conversations logorrhéiques aux références et clins d’œil souvent opaques (à moins qu'on ne soit un spécialiste de la guerre de Sécession - mes connaissances en la matière se limitant à Autant en emporte le vent, je n'ai pas forcément saisi grand chose des échanges).


La fin, que je n'ai pas trouvé à la hauteur du film et qui m'a semblé bâclée, trop rapide, bref plutôt décevante.


Le reste est un pur régal, comme seul Tarantino sait en concocter : un huis-clos théâtral savoureux, bourré d'humour, à la violence cartoonesque et aux échanges d'une vivacité scotchante.


La réalisation mélange habilement les codes classiques du burlesque - personnages hauts en couleur, forts en gueule, porte qui claque et re-claque (à la fois comique de situation et de répétition), répliques hilarantes qui fusent d'un bout à l'autre de la pièce - avec ceux d'un Cluedo grandeur nature, un jeu de massacre, un poker menteur, avec pour maître de cérémonie à la Sherlock Holmes, l'immense (et si classe) Samuel L. Jackson et son nonchalant phrasé de rappeur cool.


La mercerie de Minnie est le décor dans lequel chaque personnage peut en cacher un autre, où les identités se floutent, les mobiles se mélangent : où l'on ne sait plus qui joue un rôle, qui cache des secrets, qui est de mèche avec qui. Le scénario permet une intéressante méta-réflexion sur le jeu et le cinéma, comme pouvait le faire Le Limier de Mankiewicz.


J'ai particulièrement souhaité observer le personnage féminin, la fameuse proie de Kurt Russel, Daisy Domergue. Tarantino aime faire camper à ses actrices des rôles forts et intenses et, ici, Jennifer Jason Leigh ne déroge pas à la règle : physiquement, c'est elle la plus effrayante, et c'est elle qui permet, à un moment précis, de renverser le rapport de force, de faire rebondir le scénario.


Pourtant The Hateful Eight reste avant tout un film testostéroné, couillu, burné, qui met en scène des hommes tous plus sanguinaires les uns que les autres et qui ont tous une bonne raison de se détester.


J'ai particulièrement goûté l'atmosphère de la mercerie, la chaleur et la convivialité de son feu de cheminée, ses fauteuils cosy, ses épaisses couvertures, qui contrastent tant avec le blizzard extérieur et la cruauté des protagonistes.


On retrouve bien entendu les habituelles effusions de sang mais qui versent dans un tel excès qu'on est davantage tentés d'en rire plus que de s'en effrayer. La musique est également toujours aussi présente bien qu'offrant moins de morceaux phares comme on a pu le voir, par exemple, dans Django Unchained.


Le scénario est, comme toujours chez Tarantino, très habilement construit et réserve son lot de surprises, de revirements, de twist et de deus ex machina (coucou l'étonnant Channing Tatum !). Bien qu'un petit peu long par moments (2h47 tout de même), le film ennuie rarement et parvient à maintenir l'intérêt vivace de bout en bout.


Je ne saurais trop conseiller à ceux qui ne l'ont pas encore vu de le voir absolument en version originale car vous risqueriez de passer à côté de tant de bons mots intraduisibles en français que ce serait très regrettable ! Sans parler du débit de voix de certains personnages - Jackson bien sûr mais aussi le shérif Mannix - qui donnent au film un indéniable charme.


Entre farce comique, pièce de théâtre, whodunit et thriller, The Hateful Eight est une réussite totale, notamment servie par une galerie d'acteurs absolument fantastique, dont les éclats de rire gargantuesques et tonitruants me resteront longtemps en tête : absolument génial.

BrunePlatine
8
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le 13 mars 2016

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