Wyoming,peu après la Guerre de Sécession.Alors qu'une tempête de neige fait rage,une diligence arrive dans un relais.Elle contient deux chasseurs de primes,dont un qui convoie une criminelle à livrer à la Justice,et un futur shérif.Sur place sont déjà présents un étrange mexicain,un bourreau anglais,un cow-boy taciturne et un vieux général sudiste.Tous sont coincés là pour plusieurs jours à cause du temps mais beaucoup ne sont pas ce qu'ils prétendent être et le séjour va progressivement virer au carnage.Ce huitième film de Quentin Tarantino,réalisateur et scénariste de la chose,prend donc la forme bizarre d'un western en huis-clos.Comme il nous y a habitué depuis quelques temps,QT donne un bel objet filmique qui pêche nettement dans son écriture.Le gars sait filmer et le visuel est fort agréable,Tartino nous régalant de cadres maîtrisés,de virtuosité dans la recherche des angles de prises de vues,au sein de décors immersifs,qu'il s'agisse des étendues enneigées extérieures ou de l'intérieur exigu de la "mercerie" où les personnages se déplacent de manière rigoureusement étudiée.L'ensemble est magnifié par la belle photo de Robert Richardson,chef-op coutumier du cinéma du réalisateur et qui a aussi souvent collaboré avec Oliver Stone ou Martin Scorsese.Chacun sait que l'ami Quentin aime à pratiquer un ciné très référentiel,et ça ne loupe pas ici.On pense bien sûr au western spaghetti avec ces flambées de violence soudaines et ce cynisme rigolard,ce qui est attesté par l'excellente musique d'Ennio Morricone en personne.La source d'inspiration du spag étant le cinéma japonais,celui-ci est également de la fête,des oeuvres comme "Les 7 Samouraïs" ou surtout "Rashomon" et ses flashbacks modifiant les points de vue venant à l'esprit.Et puis on a en prime l'horreur gore à la mode dans les années 70-80 qui apporte son lot de scènes sanglantes bien dégueus concoctées par le maquilleur emblématique du genre Greg Nicotero.Si l'on ajoute les effets spéciaux dirigés par le grand John Dykstra,un des fondateurs d'ILM,on voit que l'équipe technique envoie du lourd.Ajoutons un zeste de polar de style "whodunit" à la Agatha Christie et on obtient un mélange plutôt original et agréable à consommer.Tout ceci pourrait fonctionner à merveille si le cinéaste,produit par ses grands potes de l'époque les frères Weinstein,avait pu s'empêcher de se prendre au sérieux et de faire le malin en étalant ses analyses politiques woke à courte-vue si consubstantielles au ciné ricain actuel.On a par conséquent droit à de la lenteur matérialisée par de longues conversations moralistes et verbeuses à propos de la Guerre de Sécession et du racisme anti-noir des méchants blancs,genre Black Lives Matter puéril et revanchard.Tirer sur l'ambulance sudiste en 2015,quelle audace!Il est vrai que QT nous avait déjà fait le coup avec son "Django unchained",pourquoi s'arrêter en si bon chemin?De surcroît les personnages ont trop souvent des réactions et des comportements totalement incohérents.Par exemple les affreux auraient pu dégommer facilement John Ruth dès son entrée dans la baraque,puis les autres protagonistes à mesure qu'ils entraient,mais c'eût sans doute été trop facile.Quant au final grand-guignolesque,il fait carrément tache dans le tableau.Notons cependant l'utilisation habile qui est faite du sous-sol de la cabane et qui rappelle de manière inversée celle de "Inglorious basterds",autre sommet du redressage de torts niaiseux tarantinesque.La distribution aligne comme d'hab une solide brochette de vieilles gloires au taquet,dont la plupart sont des coutumiers des films du réalisateur.L'indéboulonnable Samuel Jackson nous sert son traditionnel numéro de black rusé et imperturbable,ici un chasseur de primes ultra efficace,ancien officier de l'armée nordiste et nommé Marquis Warren,clin d'oeil évident à Charles Marquis Warren,important réal de westerns du vieil Hollywood.Kurt Russell campe un autre chasseur,brutal et parano.Jennifer Jason Leigh est la criminelle sur le chemin de la pendaison.Enlaidie,vulgaire et hargneuse,elle passe son temps à prendre des coups,au moins on ne peut taxer l'oeuvre de féministe,rappelons que c'est produit par The Weinstein Company,ceci expliquant cela.La donzelle porte le nom de Daisy Domergue,ce qui est probablement un hommage à Faith Domergue,starlette des années 50-60.Walton Goggins,le flic ripou de la série "The Shield",impose son show de tête à claques en ex combattant sudiste qui la ramène sans arrêt.Lui s'appelle Chris Mannix,sans qu'on sache si ça se réfère au détective télévisuel ou aux préservatifs.Demian Bichir a de la présence en tenancier insolite et Tim Roth a la classe en bourreau tranquille,tout comme Michael Madsen en solitaire bourru.Bruce Dern est impec en vieille baderne confédérée et Channing Tatum apparait fort peu à l'écran.Le script a pris soin d'attribuer la nationalité des acteurs à leurs personnages,à moins que ce soit le directeur de casting qui aie recruté des comédiens en phase avec leur origine.De fait Tim Roth joue un anglais,Demian Bichir un mexicain et l'actrice et cascadeuse Zoë Bell une néo-zélandaise.

pierrick_D_
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le 14 mars 2023

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