Promenons-nous dans les bois, pendant que le loup n'y est pas !

Impossible tout d'abord de ne pas penser à Captain Fantastic devant ce film. Même parcours en festival (Cannes, puis Deauville) notamment, et thèmes abordés similaires : un père et sa fille en marge de la société, qui vivent "au vert", dans les grandes forêts américaines, leur véritable maison. Mais très vite, on s'aperçoit que le parti pris entre les deux films est finalement tout à fait opposé : là où Captain Fantastic mettait en avant une forme d'idéalisation de cette vie sauvage et forestière, Leave no Trace se place ici dans le concret : cette (sur)vie dans les parc naturels forestiers de l'Oregon et de l'état de Washington est la réaction pour le père d'un choc post traumatique. Trauma qui s'exprime par un besoin vital de se placer en dehors des rouages de la société moderne, et qui est également poussé par la nécessité et la pauvreté. Pas d'idéal, pas non plus de plénitude pour cette vie dans la nature, mais plutôt un besoin de fuite, d'échapper à cette société envahissante.
De cette vie, les moments de bonheur des deux protagonistes sont à rapprocher de ceux que vit Christopher dans Into the Wild : des moments de joie, où l'accent est mis sur la "liberté de pensée" (l'expression revient plusieurs fois dans le film), mais qui sont très vite rattrapés par la dure réalité de cette vie sauvage : le froid, la faim, la soif et les accidents sont autant d'épisodes qui ponctuent le film.
Côté réalisation, Debra Granik a su placer au centre du film l'environnement qui entoure ce père et sa fille. La forêt joue le rôle d'un protagoniste. L'image s’attarde sur les fougères, la mousse sur les arbres, et tous ces éléments qui rendent compte de la vie de la forêt. On apprécie notamment le travail sur l'humidité des plantes (il pleut plus de 315 jours par ans dans cette région du monde).
Enfin, les deux acteurs sont formidables. Ben Foster, que l'on avait vu il y a peu dans Comancheria, confirme son statut d'acteur définitivement à suivre (on le verra d'ici quelques jours dans Galveston, le nouveau film de Mélanie Laurent, au côté de la géniale Elle Fanning).
Thomasin McKenzie, la jeune fille de l'histoire, est magnétique et d'une justesse de jeu rare.
J'avais raté le film à la Quinzaine des Réalisateurs, et je ne serai pas forcément allé le voir la semaine prochaine en salles sans cette Cinexpérience #118 (encore une fois merci SC!), mais le film vaut vraiment le détour : à recommander chaudement !

D-Styx
7
Écrit par

Créée

le 10 sept. 2018

Critique lue 1.5K fois

17 j'aime

D. Styx

Écrit par

Critique lue 1.5K fois

17

D'autres avis sur Leave No Trace

Leave No Trace
Sergent_Pepper
7

La forêt des maraudes

Il y a toujours un risque à vouloir traiter de l’original ou du marginal : le faire entrer dans une fiction peut déjà être en soi un processus de normalisation, tant les tentations seront fortes de...

le 1 mars 2019

26 j'aime

3

Leave No Trace
D-Styx
7

Promenons-nous dans les bois, pendant que le loup n'y est pas !

Impossible tout d'abord de ne pas penser à Captain Fantastic devant ce film. Même parcours en festival (Cannes, puis Deauville) notamment, et thèmes abordés similaires : un père et sa fille en marge...

le 10 sept. 2018

17 j'aime

Leave No Trace
ScaarAlexander
7

Captain Failtastic

Leave No Trace (LNT), premier long-métrage de Debra Granik depuis son excellent Winter’s Bone, sorti en 2010, avait tout pour faire envie : a) le grand Ben Foster, médaille d’or de simulation de...

le 26 sept. 2018

10 j'aime

Du même critique

Annette
D-Styx
10

Adam Driver and the Cursed Child !

Vraiment, ça faisait bien longtemps qu'on n'avait pas vu autant de cinéma dans un film ! Une proposition si singulière, un long métrage de cet ampleur ! Quel plaisir de découvrir en Ouverture de...

le 2 juin 2022

43 j'aime

12

Bob Marley: One Love
D-Styx
8

One Love, One Heart, One Destiny !

Les biopics musicaux ont bien souvent un point commun : celui d’être décriés à leur sortie, car jamais assez proche de la réalité, de la vie de l’artiste, de l’image que l’on s’en fait. Mais en...

le 12 févr. 2024

37 j'aime

6

Road House
D-Styx
7

Jake l'éventreur

Je suis surpris de lire autant d’avis aussi négatifs sur Road House. Certes, clamer au chef d’œuvre serait légèrement disproportionné, mais j’avoue que je n’ai pas passé un moment déplaisant en...

le 25 mars 2024

33 j'aime

6