Je vous en prie ne fuyez pas, prenez le temps de vous attarder un instant sur cette modeste critique d’un film que vous pourriez juger à tort. C’est vrai qu’à première vue, il semble tout avoir du film d’auteur venu d’un pays peu réputé pour ses blocks-busters, dont on se dit qu’il parle peut-être de sujets bien importants mais d’une manière bien pénible pour les paupières. Que nenni mes amis, j’ai failli faire la même erreur et passer à côté de ce petit bijou touchant, stressant et dépaysant, travaillant un noir et blanc de toute beauté et un sujet qui parlera à tous à la simple évocation d’un nom : Sous-commandant Marcos.

Non ce film n’est pas sa biographie et ne parle même pas de lui, mais il aborde de manière frontale dès son prologue la question des paysans mexicains, de leur lutte pour leur terre contre l’état fédéral et leur rébellion contre le pouvoir en place. Don Plutarco, homme âgé, est aujourd’hui paysan et violoniste pour arrondir de perpétuelles fins de mois. Dès le début des années 70, il s’est fait rebelle contre le gouvernement pour aider à sortir les paysans de leur condition et, s’il n’a rien perdu de son militantisme, il préfère aujourd’hui passer la main de l’action armée aux plus jeunes, à son fils devenu un des chefs de la rébellion. Mais leur village est alors attaqué, la plupart des habitants fuit dans les montagnes, laissant tout un stock de munitions enfouit dans le champ de Don Plutarco, qui va ruser avec les soldats pour les récupérer à leur nez et à leur barbe.

Toute cette partie du film est pleine d’une tension permanente, Don Plutarco prenant des risques énormes avec des soldats dont on se demande sans cesse s’ils se laissent vraiment berner par son air de ne papy toucher. Il y a aussi de belles surprises, lorsque par exemple un soldat lui offre un taco pour la route. L’intrigue est bien tenue en fait, du début s’attardant sur la condition de ces paysans obligés de mendier en plus de travailler leur terre, en passant par leur activités militantes, pour finir sur ces soldats mexicains, durs et sans aucun ménagements pour eux. Le film s’achevant sur une image mêlant le fatalisme à l’espoir.

Beau oui, ce film l’est sans aucun doute, un cinéma venu d’ailleurs mais qui sait à merveille s’approprier les codes qui font plonger dans l’histoire n’importe qui. L’intrigue est éminemment politique et laisse songeur sur l’exercice de la démocratie qui se pratique là-bas, les dernières élections étant soupçonnées de fraude. Les acteurs ne sont pas des stars internationales mais n’ont rien à leur envier, Ángel Tavira Maldonado traine son air de grand-père docile un peu ahuri, il est juste formidable et son duel menteur-menteur avec l’officier est un grand moment. Il reste surprenant de voir à quel point le cinéma peut alors être universel et qu’une culture peut, à travers lui, toucher toutes les autres…

P.S.: aux âmes fragiles, la scène d'ouverture est particulièrement difficile.
Jambalaya
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le 13 avr. 2014

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