Sens de l' Histoire oblige, reprocher à Loach son parti pris indépendantiste ne semble venir à l'esprit de personne. Non c'est la façon qu'il a choisi de raconter cette histoire dans l' Histoire qui suscite des critiques tristement injustes et révélatrices ce me semble.
En creux de tout ce que j'ai pu lire ou entendre de négatif, il y a cette difficulté à comprendre la seconde partie, temps des divisions internes sapant la fraternité née de la lutte.
Loach prive volontairement le spectateur de la possibilité de s'identifier pleinement à un ou des héros, en privilégiant le tableau de groupe sur la vignette individuelle. Tout en achevant son tableau par le portrait du martyr et de ceux qu'il laisse derrière lui, dévastés. Ambiguïté parmi d'autres?


Les premières images du film étaient pourtant claires, il ne donnera pas dans l’hagiographie à la Michaël Collins ( cette référence est loin d'être anodine pour ceux qui ont vu le film et connaissent l historie irlandaise : celui-ci fut tué par des hommes de Rory O' Connor, précisément l'homme pourchassé à la fin qui valut à son corps défendant le peloton d'exécution à Damien ).


L'ouverture donne à voir deux collectifs qui s’affrontent et un arbitre qui a du mal à s'imposer, à trancher, Loach lui-même ? Ne voulant pas trancher à la fin quant à savoir qui a raison? Trahison ou compromis décisif ce traité entre GB et Eire? Le film semble pencher intimement du côté de la trahison, sauf que l' histoire semble donner raison aux partisans du compromis. Pourquoi montrer l' échec d' une république socialiste d'Irlande sinon? Par souci d’honnêteté ?
C'est radicalement la seconde partie la plus intéressante, la première apparaissant par contraste trop schématique, trop démonstrative, les bons contre les méchants, une caricature de film hollywoodien, que Loach déconstruit en révélant les déchirements intimes et collectifs de la communauté choisie pour incarner l'engagement. De petites touches, une réflexion d'un membre de l' IRA sur les "ennemis", une trahison bienvenue, précédant et / ou suivant d'autres qui brouillent les cartes. Vous dîtes que le film devient confus ? C'est plutôt que votre esprit est simpliste, ou de courte vue. Derrière les petites vignettes panini des héros à la crosse, au delà de leurs petites personnes se dessine une cause autrement plus grande.
La lecture marxiste de Loach est implacable, incarnée, il rive le clou sans hésitation.

Sorti en 2006 alors que le terrorisme redessinait une carte des méchants indiens contre la noble cavalerie, ce film osait aborder en même temps la torture et le dilemme moral: la cause vaut-elle le sacrifice d'un "gamin", la fin justifie-elle les moyens? Comment après cela taxer Loach de simplisme ?


Le film dérange nos habitudes de spectateurs, nos certitudes morales, il n'est pas * confortable*.

De fait, alors qu'il me marqua à sa sortie, je l'oubliais avant de le revoir, impromptu du festival War on screen, et de le comprendre enfin.
Loach comme toujours nous invite à continuer le combat et s'interroger sur le prix de l' engagement, la valeur de la cause. Je reste partagé quant à son point de vue sur le choix fait en 1921, et l'utilité du combat des irréductibles socialistes de Rory.


Seul le collectif peut gagner et ici il perd. En 1936 il fut une nouvelle fois vaincu, en Espagne... Le XXème, siècle des occasions ratées...

PhyleasFogg
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le 3 oct. 2019

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