Paris, août 1944. Le camp allemand est en effervescence : on détruit les archives, on fait les cartons, on planifie le retour au bercail. dans ce climat de débandade collective, on annule tout ce qui n'a aucun rapport avec la retraite accélérée.
Un colonel passionné par l'art (surtout l'art interdit en Allemagne car "dégénéré") veut envoyer à Berlin des cartons entiers remplis de tableaux de maîtres : Picasso, Dubuffet, Renoir, etc. Autant dire que ce n'est pas la priorités de ses supérieurs, mais ces quelques scènes du début suffisent à nous montrer à quel point cette "mission" tourne à l'obsession. Il fait preuve d'un véritable acharnement pour obtenir l'autorisation d'avoir un train vers Berlin, et cet acharnement forcené ne se démentira pas de tout le film. Vers la fin, chauffé à bloc par les épreuves et les obstacles, il deviendra quasiment fou.
La question se posera pendant tout le film : est-ce que ça vaut la peine de se battre pour des tableaux ? Dans une période de guerre, une œuvre d'art vaut-elle la perte d'hommes ? A-t-elle la priorité sur le reste d'une société en ruines, fatiguée par plusieurs années de conflits et d'occupation ? Mais l'art, c'est également la culture, l'âme d'un peuple, l'un des principes unificateurs d'une nation.
De la première à la dernière scène, cette réflexion aiguë sur l'art et son rôle parcourt tout le film et est une des causes de sa réussite.
Mais Le Train, c'est aussi un film de guerre qui rend hommage aux Résistants. On comprend très vite à quel point le travail de la Résistance était compliqué : retarder un train de deux ou trois minutes est déjà un grand défi. Le retarder d'une heure relève de Mission Impossible. Et pourtant, Labiche (Burt Lancaster) va, petit à petit, réussir sa mission, grâce à tout un réseau. Certaines scènes sont vraiment formidables, comme ce canular pour faire croire que le train est déjà arrivé en Allemagne...
La réalisation de Frankenheimer est précise; il prête une grande attention aux moindres détails, aux petits gestes, aux regards, etc. Le cinéaste sait prendre son temps pour bien insister sur les multiples dangers qui attendent les personnages et imposer une ambiance de suspense, voire d'angoisse. La quasi absence de musique ajoute encore une tension supplémentaire.
Il y a bien quelques scènes grandioses, mais pas en grand nombre. Frankenheimer privilégie le réalisme avant tout : montrer leur travail quotidien est le meilleur hommage que l'on puisse rendre aux Résistants.
Le scénario ménage de constants rebondissements, rendus crédibles par l'obsession grandissante du colonel allemand. Le film se transforme vite en une gigantesque course contre la montre.
Le résultat est très intéressant. Les acteurs, essentiellement français (parmi lesquels Michel Simon et Jeanne Moreau), sont tous très convaincants.