Le torrent est tari

Le thriller d'Anne Le Ny manque d'ampleur, de suspens pour vraiment marquer. Le film se regarde sans déplaisir mais ne quitte jamais du banal. Le scénario aurait pu être davantage travaillé et la composition de José Garcia est un peu monolithique.

Lorsqu’Alexandre découvre que sa jeune épouse, Juliette, le trompe, une violente dispute éclate. Juliette s’enfuit dans la nuit et fait une chute mortelle. Le lendemain, des pluies torrentielles ont emporté son corps. La gendarmerie entame une enquête et Patrick, le père de Juliette, débarque, prêt à tout pour découvrir ce qui est arrivé pendant cette nuit d’inondations. Alexandre qui craint d’être accusé, persuade Lison le couvrir. C’est le début d’un terrible engrenage.

Pour un thriller familiale, le film manque singulièrement de tragique, d’ampleur. Pour un film qui se déroule en montagne, le film n’a aucun relief. Tout est un peu trop trivial. On ne sent pas le poids de la tragédie s’abattre sur cette homme. Par ailleurs, Anne Le Ny semble évacuer tout élément policier qui pourrait créer le moindre suspense. On voit à peine l’enquête. Il y a un petit interrogatoire, une mini-perquisition. Mais pas grand-chose de plus.

Ce qui est plutôt réussi, c’est la relation père-fille, c’est-à-dire l’obligation que ressent la fille à protéger son père. Ou plutôt comment le père impose une spirale infernale à sa fille, et comment en mentant, elle va s’y enfermer. D’un point de vue psychologique, le film est assez réussi, plutôt riche et complexe. La fille, qui voit son père perdre pied, le regarde avec peine mais sans condescendance et paradoxalement s’en rapproche.

Mais le scénario est mal foutu. La relation père-fils, bien que correctement montrée, prend peut-être trop de place. Certains personnages n’existent pas. L’épouse Juliette prend étonnamment peu de temps de pellicule et une fois morte, elle disparaît des esprits. Il est étonnant que la cinéaste lui accorde aussi peu de place. On ne parle même pas de féminicide. Le personnage de l’amant est intéressant, il semble s’immiscer dans la vie de la famille comme s’il en était le membre légitime. Et puis il disparaît, sans raison. L’ex-épouse, pourtant interprétée par l’excellente Florence Müller, apparaît dans trois scènes et n’a aucun apport narratif. Il faut dire qu’une fois qu’André Dussolier dans le rôle du père de la victime apparaît sur l’écran, il bouffe quasiment tout l’espace et éclipse sa femme, pourtant interprétée Christiane Millet.

Car André Dussolier est un immense acteur. Il lui suffit de faire un léger rictus pour montrer l’étendue de la profondeur de son jeu. Mais face à lui, José Garcia a un jeu d’un monolithique consternant. Dans le rôle de la fille, Capucine Valmary livre une interprétation assez fine, sans pour autant être inoubliable. Les autres acteurs sont bons, mais leurs rôles n’ont aucun poids dans l’histoire.

Anne Le Ny est une bonne comédienne et a une carrière de réalisatrice déjà conséquente puisqu’elle en est à son sixième films. ‘Les invités de mon père’ est une analyse réussie, fine et méchante de l’égoïsme bourgeois. Les films qui suivent (‘On a failli être ami’ et ‘La monnaie de leur pièce’), sans être totalement ratés, n’étaient pas totalement accomplis. Mais ici, tout est vraiment anecdotique anodin. Elle a visiblement été moins inspirée car son scénario ne sort jamais des sentiers battus (de montagne). ‘Le torrent’ est un peu tari.