Sous le charme

Probablement mon Woody Allen préféré —aussi parce que je l’avais adoré quand j’étais petit—, Le Sortilège du scorpion de jade est une comédie romantique déguisée en parodie de film noir.

Certes, il n’y a pas de mystère : on sait qui fait le coup et pourquoi. Mais le classique ressort de l’hypnose est exploité admirablement pour nous offrir une enquête inédite et hilarante, où C.W. Briggs (Woody Allen), se poursuit lui-même. Ajoutez à cela le fait que sous état de transe, C.W. et Betty Ann (Helen Hunt, de loin le personnage le plus subtil) sont amoureux alors que dans la vie ils se détestent, et on aura le droit à une série de scènes cocasses tirant définitivement sur le vaudeville, et très réussies. Le tout est extrêmement bien rythmé et même si la fin est attendue, je ne me suis pas ennuyé une seule seconde.

Au delà de l’inventivité du scénario, ce qui rend le film aussi croustillant sont ses dialogues. Ça s’envoie des vannes acides à une vitesse folle —une densité qui n’est pas sans rappeler Audiard, dans un style très différent—. Enchainer les gags et les bons mots est classique dans une comédie, mais cela se fait souvent au détriment de la qualité. Que nenni ici, il y n’y a aucun déchet.

Le seul point qui m’a un peu dérangé —et je me souviens que ça m’avait déjà fait tiquer à l’époque—, est le côté ego-trip du projet, avec un Woody Allen scénariste/réalisateur/premier-rôle-qui-emballe-des-bimbos-qui-pourraient-être-ses-filles. Et quand on connait la vie privée du bonhomme, on se dit qu’il a du bien kiffer, le cochon. Mais d’un autre côté, le choix d’Allen en Briggs est un ressort comique essentiel dans cette comédie. Il remplace la figure classique du film noir du beau détective privé romantique et torturé par celle… d’un vieux schnock. Et Betty Ann semble être la seule à s’en apercevoir, même si bon, le pouvoir de l’amour, quoi.

Bref, Le Sortilège du scorpion de jade n’est pas un film révolutionnaire ni particulièrement profond, mais dans le genre de la comédie légère on fait difficilement mieux. Pourquoi se priver ?