L'art et la propagande

30 ans avant ces chef d'oeuvres que sont "Quand passent les cigognes" ou "Soy Cuba", Mikhail Kalatozov, comme beaucoup de ses camarades cinéastes de l'époque, travaillait à la solde de la propagande soviétique. Ce film ne déroge pas aux règles rigides de la ligne politique du parti totalitariste dirigé par Staline. Comme tant d'autres films russes de cette époque, les campagnes sont dépeintes comme des oasis de ressources corrompues et asservies par des salauds de riches et de religieux qui les maintiennent en esclavage et dans une pauvreté révoltante. Bien sûr, les vaillants travailleurs bolchéviques viendront au secours du peuple opprimé en leur amenant le "progrès" (à coup de dynamite...).
Bon. Si on s'arrête au scénario, on est très très trèèèèèèèèèèèèèès loin d'un chef d'oeuvre... Mais il y a l'oeil et la caméra de Kalatozov. Et si on arrive à faire abstraction du message abrutissant et mensonger que le scénario véhicule, on se rend compte que les images sont d'une beauté incroyable. L'art du cadrage et du montage sont eux, bien au contraire du scénario, à leur paroxysme.
Pourtant on est pas sûr que ce film ne soit jamais sortie en URSS. Kalatozov était chargé de faire un film documentaire en Svanétie en 1929, mais celui-ci restera inachevé. "Le sel de Svanétie" est un montage des rushs de ce film avorté croisé avec des prises de vues touristiques du cinéaste lorsqu'il tournait là-bas. On ignore donc dans quelle mesure ce film non-officielle a été distribué à l'époque... Il faudra attendre 1973 pour que l'Occident découvre le film à New York au musée d'art moderne.