Si vous êtes en demande d'une piqûre de rappel sur toutes les raisons qui nous ont poussé à tant aimer le cinéma d'épouvante espagnol, ce premier long-métrage de Sergio G. Sánchez, scénariste attitré de Juan Antonio Bayona (il a signé "L'Orphelinat" qu'il voulait d'ailleurs lui-même réalisé et "The Impossible") est sans doute le meilleur des remèdes.


Pour échapper à l'emprise de son mari, une mère emmène ses quatre enfants dans son ancienne demeure isolée. À la mort de celle-ci, les enfants concluent le pacte de rester soudés et de continuer à faire croire au monde extérieur que leur mère est en vie pour éviter d'être séparés avant que l'aîné atteigne sa majorité...


Amateurs de frayeurs faciles et autres déferlements de jumpscares des productions mainstream US, passez votre route, ceux qui recherchent un conte adulte fondant son ambiance prenante sur la douleur d'un drame familial où l'épouvante est une toile de fond aux évènements bien plus intimes en train de se jouer, c'est par ici que ça se passe !


Le film ne s'en cache pas par son ouverture sur le journal illustré de l'aîné, Jack, ou lors de ce magnifique passage où les enfants font la rencontre de leur jolie voisine, il utilise les archétypes du conte pour mieux rendre compte du cocon naïf et illusoire de cette existence en vase-clos dans lequel se maintiennent des enfants déjà brisés par la vie pour ne pas perdre espoir. Car, après l'introduction laissant planer le mystère sur un évènement capital, la menace semble rôder en permanence, au recoin de chaque plan sur une maison en décrépitude où les miroirs sont dissimulés pour une raison obscure ou encore dans ce ciel constamment grisâtre prêt à s'embraser de milles orages et dont la superbe photographie épouse les teintes à chaque instant.
Elle s'incarne plus précisément dans une hydre à trois têtes antagonistes : un "monstre" sous la forme d'un fantôme du passé à la main-mise omniprésente sur le destin de la fratrie, un "prince" éconduit sous celle d'un avocat obnubilé par la jalousie et l'ambition, et surtout celle, plus abstraite, d'une vérité si profondément enfouie et choquante qu'elle a conduit à une folie aveuglante. Quelques éclaircies apparaissent ici et là pour les contrecarrer lorsque les enfants reprennent justement leurs rôles d'enfants au travers d'une partie de jeu de société, d'une passion adolescente ou d'un dialogue avec la voisine par l'intermédiaire de signaux lumineux mais celles-ci sont comme immuablament étouffées et rattrapées par l'atmosphère pesante qui ne veut plus quitter ces personnages.


Usant évidemment du registre pur de l'épouvante lors des manifestations du "monstre" (le film le fait avec une réelle parcimonie rendant les sursauts provoqués par ses rares apparitions bien plus imprévisibles que la moyenne, ce n'est pas la foire au jumpscares idiots pour résumer), celui du mélodrame avec un trio amoureux où le "prince", prétendant blessé, sera amené à jouer un rôle déterminant et, enfin, celui du thriller à twist lorsque le fameux secret des Marrowbone est révélé au grand jour avec la violence qu'il induit, le film de Sergio G. Sánchez représente une bouffée d'air d'intelligence devenue trop rare ces derniers temps dans le genre avec son histoire savamment construite, sa mise en scène diablement efficace et ses interprètes solides -le meilleur des jeunes pousses d'acteurs du moment : Anya Taylor-Joy ("The Witch", "Split"), George MacKay ("How I Live Now"), Mia Goth ("A Cure for life") ou Charlie Heaton ("Stranger Things").


Alors, oui, "Le Secret des Marrowbone" n'a pas peut-être pas tous les arguments conséquents pour devenir un sommet ou juste un hit du cinéma d'épouvante espagnol par son manque d'originalité (le twist final est devinable en cours de route et a déjà été trop utilisé par le passé pour créer une véritable surprise, il est d'ailleurs amusant de noter qu'un(e) des interprètes a déjà été confronté(e) à ce problème il n'y a pas si longtemps) mais il en est un des plus chouettes représentants récents par la mise en avant des qualités qui ont fait son succès. On ne va pas s'en plaindre, loin de là même...

RedArrow
7
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le 7 mars 2018

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RedArrow

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