L'âme n'a point de secret que la conduite ne révèle.


Cache tes secrets dans les replis les plus profonds de ton cœur.



Première réalisation pour le scénariste Espagnol Sergio G. Sanchez, à qui l'on doit le scénario du magnifique film "L'Orphelinat" et du poignant "The Impossible". Il n'est plus à son coup d'essai et c'est déjà bien illustré dans l'écriture par le passé, c'est pourquoi le retrouver en tant que cinéaste à de quoi attiser la curiosité.


Pour sa grande première Sergio G.Sanchez s'attaque avec "Le Secret des Marrowbone" à un conte noir riche en émotion et en mystère. Une oeuvre dramatique et fantastique à ne pas confondre avec une oeuvre horrifique à proprement parler comme beaucoup l'on fait. Une chose qui saute rapidement aux yeux c'est la griffe du réalisateur qui impose une mise en scène personnel, pas forcément sans défaut, mais maîtrisé et imaginatif. Je ne doute pas qu'avec un peu plus de pratique ce long-métrage aurait pu potentiellement être un chef d'oeuvre.


Ce drame fantastique réussit totalement à nous plonger dans son atmosphère malsaine et débordante d'énigmes et autres allégories, dès le commencement du récit. En effet, c'est avec un doigté et une adresse surprenante qu'en seulement quelques plans, il parvient à donner le ton, échafauder une aura atypique, mêmement en illustrant d'obscurité et de cachèterie la vieille résidence où s'établissent les jeunes héros.


On ne sait clairement pas pourquoi mais on est toujours sur la défensive car l'on sent qu'il y a quelque chose qui cloche . Un sous-entendu qui vient nous mettre mal à l'aise et comme si cela suffisait pas, on est toujours pris de questionnement sur les éléments exposés.


Entre les miroirs brisés ou caché , la tache qui réapparaît continuellement, l'interdiction à certaines pièces de la maison, le sanctuaire, la boîte maudite...


En cela le cinéaste fait preuve d'un sens de captivité dramaturgique particulièrement pénétrant et subtil car il nous laisse très longtemps sans réponse , préférant nous laisser imaginer.


Techniquement c'est superbe, que ce soit les divers plans, le filtre de couleur, les décors, la photographie, le contraste, le découpage, la musique tout est rondement menée. La maison des Marrowbone prend allègrement vie en une forme inquiétante et menaçante sans céder à la facilité des maisons hantée de base ainsi que tout le jumpscare qui sont souvent associés avec. Bien au contraire elle prend une forme relativement poétique et subjuguante qui n'est pas s'en rappeler la participation de ce cher Guillermo Del Toro.


Ainsi, sans jamais tomber dans les affres quasi obligatoires des productions horrifiques qui font sursauter, celui-ci s'émancipe de sa condition préférant tonifier nos angoisses sur notre inexorable perception imaginative en jouant avec de longues scènes sur le ressentir des personnages dans les décors où ils évoluent. Une manière habile de reléguer la peur au second plan pour pouvoir basculer dans la dramaturgie propre même si la tension et l'inquiétude ne sont jamais loin. D'ailleurs la musique très présente de Fernando Velazquez prend une place très importante et accompagne longuement les séquences.


Niveau scénario l'on peut dire que le récit est pourvu de quelques rebondissements rondement gérés qui établissent le fil conducteur de l'histoire ainsi que les parts de mystère qui l'accentue avec diablerie. Il réussit à donner à la demeure et ses demeurants une ambiance ambiguë et ténébreuse. Ce qui est encore plus réussi c'est que tout du long il parvient à nous berner.


Chaque fois que l'on pense comprendre on est pris à contre pied pour arriver à un final que l'on était très loin d'avoir imaginé. Une dramaturgie à la fois passionnante, tragique ,sentimental et très mélancolique. Toutefois, un problème de taille vient obscurcir tous ces points positif, le rythme ! Sanchez se révèle bien moins habile de son rythme que de son sujet.


Certaines séquences prennent beaucoup trop de temps inutile là où d'autres mériteraient plus de temps. Ce n'est pas non plus un énorme défaut car certaine scène fonctionne très bien sur le moment, or, dans la durée cela à de temps à autre tendance à nous sortir du récit et il faut à chaque fois l'accélération d'une révélation pour nous faire replonger.


La famille Marrowbone est pourvue d'un casting de jeunes talents qui fonctionne superbement même s'il y a un peu d'inégalité. L'on retrouve tout d'abord George MacKay qui incarne Jack le grand frère et chef de la famille qui porte sur ses épaules le poids de la vie et des responsabilités de chacun de ses membres. George MacKay est un acteur que je commence à vraiment aimer pour l'avoir déjà vu dans le superbe "Captain Fantastic" et "For Those in Peril", quand je vois son talent je ne peux que me dire qu'une superbe carrière l'attend. J'espère seulement qu'il ne tombera pas dans la facilité des blockbusters et qu'il restera dans le cinéma d'auteur.


Dans ce rôle précis le comédien m'a scotché devant sa performance qui ne laissera à mon avis personne dubitatif. Vient ensuite l'énigmatique Mia Goth que l'on a déjà pu voir dans le troublant "A Cure of Life" qui bien qu'étant un peu plus discrète réussie une fois de plus à dégager une aura particulière qu'il met difficile de nommer dans le rôle de la grande soeur Jane. En tout cas j'aime beaucoup !


L'on retrouve également le ténébreux Charlie Heaton que l'on a déjà pu voir dans la série Stranger Thing et qui s'en être exceptionnel s'en sort plutôt bien dans le rôle de l'adolescent colérique et mal dans sa peau. En même temps, vu de leur situation c'est assez compréhensible. Matthew Stagg dans le rôle du petit frère Sam ma fait une forte impression pour son âge, il représente l'innocence du petit clan.


Le point fort de cette fratrie c'est que l'on a l'impression qu'elle existe réellement tant ça sonne vrai. L'excellente direction d'acteur autour de ses jeunes comédiens ne doit pas y être étrangère. Je salue également les autres rôles secondaires qui font du bon boulot.


Néanmoins, si je parlais d'inégalité dans le jeu de chacun c'est à cause d'un rôle de première importance, dont je ne peux parler pour ne pas spoiler mais qui au vu de son importance devait être particulièrement bien incarné. Sauf que pas de bol, je l'ai trouvé vraiment mal joué. J'ai un gros problème avec le choix de cet(te) acteur(trice) qui est censé représenter le trauma qui est pour le coup très anodin. Vraiment dommage.


**CONCLUSION :**


Pour sa grande première le scénariste Sergio G.Sanchez s'en sort très bien en nous livrant un conte mélancolique très humain et touchant qui certes se trouve être un peu bancal dans son rythme mais très fort dans sa dramaturgie. Niveau technicité la mise en scène du cinéaste démontre un talent certain s'annonçant prometteur pour la suite. Les jeunes acteurs font du bon boulot même si je reste déçu pour l'un des autres personnages.


Le secret des Marrowbone réussit à émouvoir et toucher dans une conception suffisamment robuste, brillante, imaginatif et accompli pour être considéré comme une belle oeuvre. Un petit coup de coeur assumé !

Créée

le 29 sept. 2018

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