L'affaire de la chair

Un documentaire aussi nécessaire qu'éprouvant. Georges Franju livre un témoignage implacable sur l'univers des abattoirs et de l'équarrissage, filmant à hauteur d'homme une succession de gestes et de manoeuvres froidement appliqués.

D'une amoralité frappante, graphiquement exsangue et terriblement quotidien Le sang des bêtes n'est ni un plaidoyer ni un réquisitoire : s'attelant à montrer une barbarie humaine poussée à bout, sans états d'âme, exclusivement quotidienne Franju signe une oeuvre remarquable sur le conditionnement et l'instrumentalisation qui peut éventuellement faire écho aux lendemains de la Seconde Guerre Mondiale. Tourné en 1949 en proche banlieue parisienne le film, de courte durée, rend compte de l'essor économique et de l'activité de tout un pan du peuple français ; la visée documentaire est, en elle-même, parfaitement légitime. Ne laissant rien au hasard, qu'il s'agisse de la voix-off savamment utilisée ou du découpage technique très élaboré Georges Franju retranscrit avec un soin pratiquement chirurgical l'aliénation du travailleur, ce dernier disséquant, coupant, tranchant, égorgeant, évidant et transportant la chair animale comme n'importe quel autre produit du marché socio-professionnel.

Trente ans avant le magnifique et non moins éprouvant Cochon qui s'en dédit de Jean-Louis le Tacon le futur auteur des Yeux sans visage signe un objet limite, redoutablement moderne et encore et toujours d'actualité aujourd'hui. A voir absolument !