King David (Bruce Beresford, Royaume-Uni/U.S.A, 1985, 1h54)

Oser se lancer dans un Épique Biblique au milieu des années 1980, c’est une démarche des plus audacieuses. En effet, le genre est mort depuis les années 1960, puisque la dernière superproduction sur le thème était ‘’The Bible : In the Beginning…’’ de John Huston en 1966. Et si personne ne s’y était risqués lors de ces 19 ans qui séparent les deux films, ce n’était sans doute pas sans raisons.


Le genre du Péplum, duquel est proche l’Épique Biblique, ne revient avec succès au cinéma qu’en 2000 avec ‘’Gladiator’’. À une période où il rencontre un succès à la télévision, avec les séries ‘’Hercules’’ et ‘’Xena’’. Le film de Ridley Scott ouvre à son tour la voie à d’autres productions du même style, qui auront moins de succès. Depuis le début des années 2000, il y a pourtant sporadiquement des œuvres proches du Péplum qui débarquent au cinéma, ou garnissent les rayons des DTV.


Mais en 1985 ce n’est pas du tout la même conjoncture, et ‘’King David’’ débarque au milieu d’un vide en ce qui concerne le genre qu’il représente. Et il n’apporte absolument rien de novateur avec lui. C’est une œuvre dramatiquement classique, qui enchaine les épisodes de la vie de David sans génie ni d’ampleur. Telle une récitation correct des versets prit en modèles.


Bien sûr en 1h54 il est difficile de compiler 39 ans de la vie d’un homme, alors beaucoup de raccourcis sont empruntés. Ce qui fait naître un sentiment d’urgence comme si, cahier des charges en main, le réalisateur lançait ses directives. Ainsi, tous les moments forts du récit de la vie de David sont présents, accumulés au point de perdre leur sens initial. Dans un écrit biblique il est toujours laissé matière à interprétation, c’est ce qui permet justement au cinéma d’y trouver l’inspiration. Or, ici rien de tout cela, c’est adapté scrupuleusement.


Production plate, ‘’King David’’ manque d’une réelle consistance. Pour exemple, dans la Bible, Absalom l’un des fils de David, venge sa sœur violée par son demi-frère. Il attend deux ans et fait assassiner ce dernier par ses serviteurs. Il est exilé un temps, avant de retrouver grâce aux yeux de son son père. Ici, Absalom apprend le viol de sa sœur, alors qu’un grand repas a lieu. Il se dirige direct vers son demi-frère et l’égorge devant toute l’assemblée.


Son crime amène à la fameuse réflexion autour de la loi du Tallion, mais rapidement il est exilé. Il monte de suite une armée séditieuse pour combattre le pouvoir de son père. Si les années sont imagées par les cheveux et la barbe d’Absalom, plus longs d’une séquence à l’autre, tout ne semble prendre pourtant que quelques jours.


Il en va de même pour d’autres situations, comme le légendaire affrontement entre David et Goliath raccourci à quelques minutes alors qu’il prend ds semaines. Tout est ainsi raccourcis, pour coller au mieux le format 2h, lorsqu’une telle histoire aurait nécessité des moyens plus importants et une durée au-delà des 3h. Épique quoi !


Concentré biblique sans développement suffisant, l’exemple de l’amitié profonde entre David et Jonathan (lol) est analogue, tellement elle devient annexe. Centrale dans les écrits, elle est ici reléguée au second plan. Jonathan, fils de Saül (le premier roi du royaume d’Israël) partage des liens quasi-fraternels avec David, ce qui le met en mauvaise posture lorsque ce dernier se soulève contre Saül. Dans ‘’King David’’ toute la mesure de cette amitié arrive tardivement, ce qui annihile toute tentative de dramatisation.


C’est là que réside le problème majeur du film de Bruce Beresford, un sens de la dramaturgie complétement aux fraises. Il est difficile de trouver des points d’accroches, où quelque chose qui puisse attiser l’intérêt et donc l’attention. Après, il est vrai que les décors sont beaux, même si la mise en scène ne leur rend jamais totalement hommage.


L’autre gros souci vient du casting, avec Richard Gere en roi des Hébreux, certainement une grossière erreur. À aucun moment il ne réussit à être crédible. Peu aidé il est vrai par un scénario un peu vide et des perruques. Il se contente alors d’être Richard Gere, ce beau gosse charmeur qu’a fait de lui ‘’American Gigolo’’ de Paul Schrader en 1980. Espérant sans doute que les costumes et les décors apporteront l’authenticité nécessaire. Mauvais pari.


Le récit se déroulant entre 1000 et 961 Av. J-C , des datations archéologique et l’étude de l’Histoire antique, indiquent que cette histoire n’est pas à 100% dans le mythe. Et le métrage essaye en ce sens de se montrer assez réaliste en minimisant la présence de Dieu, et donc l’aspect fantastique.


Les populations du Moyen-Orient, au moment où prend place le récit, sont des peuplades bien identifiées. Et il semble désuet de les faire interpréter par des comédien.nes occidentaux. La démarche peut parfois être justifiée, selon le mythe adapté, mais avec ‘’King David’’ la puissance mythologique est atténuée, pour coller au mieux à une vision pseudo-historique.


Avec une production design limitée, aux costumes ringards se disputent les fausses barbes et les perruques, beaucoup trop grillés. Révélateurs des artifices de personnages interprétés de surcroit par des occidentaux, qui peinent à donner vie à leurs rôles. En résulte, une bien pâle copie d’épopée, mêlant laborieusement l’historicité à la religion.


Adapté du premier, chapitre 16-31, et du Second, chapitre 1-24, Livre de Samuel, le Premier Livre des Rois, chapitre 1-2, et les textes attribués à David dans le Livre des Psaumes, ‘’King David’’ prend pourtant bien le temps de faire ressortir de son récit tous les moments de bravoures présents dans les écrits. Mais sans maestria ni souffle, qui auraient pourtant été les bienvenues.


C’est bien simple, Bruce Beresford ne parvient jamais à trouver une identité propre. Hésitant sans cesse entre embrasser sans concession la dimension biblique, ou bien s’il doit s’en tenir à un récit réaliste, comme la vision plausible d’une royauté israélienne définitivement avérée. Ce qui aurait pu donner à ‘’King David’’ la dimension d’une œuvre historique, au-delà de sa nature initiale d’aventure biblique.


Jamais vraiment tranchées, les références à Dieu sont explicites, donnant à l’ensemble une ambiance involontairement parodique, avec des moments puisant dans le ridicule au point d’en devenir drôle. Marchant à tâtons pour essayant de trouver un souffle épique par ci, où une ampleur biblique par là… Sans véritable succès.


Si le métrage se regarde facilement, c’est le genre de production qui fait ni chaud, ni froid. Ce n’est pas assez mauvais pour en être ouvertement risible, même s’il couve à de nombreuses reprises un ridicule latent. Et c’est loin d’être assez bon pour pouvoir prendre un vrai plaisir, devant une œuvre épique qui est tout sauf épique.


‘’King David’’ illustre parfaitement la difficulté que représente la mise en scène des écrits de la Bible. Il en va de même pour tous les écrits mythiques, ce n’est pas juste réservé aux écrits religieux. Adapter une œuvre profondément épique nécessite des moyens audacieux, et la vision d’un auteur capable d’y mettre les formes. C’est ce qui manque cruellement à ce film, faisant bien pâle figure face à l’envergure de son entreprise initiale.


-Stork._

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le 27 avr. 2020

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