J'ai beaucoup de mal avec les films d'Hayao Miyazaki. C'est devenu quelque chose de honteux que de dire cela, mais je n'accroche pas aux univers beaucoup trop expansif. Il est presque devenu une originalité que de dire cela alors que, selon moi, cela montre surtout la capacité du réalisateur à s'affirmer, et il est normal de ne pas accrocher à un style en particulier. Pourtant, si le nom d'Hayao Miyazaki a marqué en profondeur l'histoire du cinéma et que cela aurait dû avoir que du positif, cela a surtout créer un modèle à suivre ou catégorisable pour qui conque s'approchait de lui (parfois de près ou de loin, quand je vois que Miraï ma petite soeur de Mamoru Hosoda est considéré pour certain comme une œuvre "dans la ligné d'Hayao Miyazaki", je rigole doucement). C'est malheureusement le réflexe qu'ont eu un bon nombre de spectateur lorsque The Deer King a été présenté en compétition au Festival d'Annecy 2021. De mon côté, il serait se mentir que de ne pas avouer avoir des réticences lorsque l'on voit les premières images qui ressemblent effectivement aux œuvres du studio Ghibli, que l'on voit le résultat catastrophique des deux autres films japonais en compétition aux côté du film (que ce soit Poupelle of Chimney's Town ou même Josée les tigres et les poissons qui a même fait l'honneur d'ouvrir le festival avec on ne sait quel raison), ou même que l'on voit les critiques les plus laxiste n'ont pas su apprécier le film (je n'ai absolument rien à l'encontre de La Manie du Cinéma mentionnée en fiche, mais disons que ses arguments pour défendre Poupelle of Chimney's Town ou Josée les tigres et les poissons ne m'ont pas convaincu, et ses arguments contre The Deer King non plus). Pourtant, cette source de désaccord critique savait m'intéresser (tout bêtement parce que chacun a ses goûts, et que si elle aime ce que je déteste, sans doute que j'aimerais ce qu'elle rejette), et c'est durant le Festival de Gerardmer que mon intérêt a décuplé lorsque celui-ci fût sélectionné en Hors Compétition. Que ce soit en compétition (avec Mutafukaz qui a même gagné des prix ou même Zeria), en séance jeunesse (avec le très surprenant Maurice le chat Fabuleux) ou même en hors compétition (avec Beauty Water), le festival a toujours su sélectionner des films très intéressant et marqué dans le genre, même dans leurs défauts. C'est donc avec beaucoup d'hésitations que je me suis lancé à corps perdu devant The Deer King, et je ne regrette absolument rien.

Pour mettre les choses à plat: C'est un royaume A (Aquafa) qui s'est fait envahir par le royaume B (Zol) et qui vit mal l’occupation. Depuis l’annexion, il y a des loups maléfiques qui tuent des gens, souvent en provenance du royaume B, et mettent en danger la stabilité du royaume. Un esclave provenant du royaume B (ainsi qu'une fillette) survit (tous les deux) à l'attaque et arrive à s'enfuir de la mine où il était emprisonné, et le film suit l'histoire de cet esclave en quête de liberté et de sens à sa vie, alors que les membres du royaume A et B cherchent à le retrouver (pour divers raisons). Le film n'est pas plus compliqué que ça. J'ai l'air de spoiler, de divulguer ce qui n'a pas à être dit quand on doit vendre le film, ou même de cacher des éléments de l'intrigue (ce qui est en parti vrai vu que je ne suis pas en balise spoil, mais c'est tout), mais je ne gâche absolument rien. La seule chose intimidante reste l'univers qui est extrêmement dense, mais scénario en lui même est très bête (quoi que très dense car dans la continuité de l'univers) et assez agréable à suivre. Si on est lâché dans un contexte géo-politique marqué, c'est en grande parti pour créer un cadre plus que pour construire un fil narratif. Nous sommes d'avantage invité à nous concentré à la vie de cet esclave en quête de stabilité, ainsi qu'au mystère entourant les loups.


Si je me suis attardé sur la simplicité du scénario (qui peut se résumer à trois phrases), ce n'est pas tant pour critiquer les personnes n'ayant pas pu rentrer dans le film à cause du scénario, tous le monde a le droit de ne pas comprendre tous les films. Mais si je me permets cela et de paraitre désagréable, c'est surtout parce que ce que je viens de vous raconter est (littéralement) textuellement les 10 premières secondes du long métrage, et que la subtilité n'est pas la qualité première du film. La raison pour laquelle le film parait bordélique et incompréhensible pour beaucoup de monde est que le réalisateur ne sait pas raconter son histoire. C'est perceptible dès les 10 premières secondes lorsque l'on comprends que l'univers se divise en deux parties, chacune symbolisé par des couleurs comme la Team Magma et la Team Aqua de Pokémon (littéralement résumé par le clan rouge et bleu, d'où le fait que le résume les clans par A et B), et que la majeure parti de l'univers (celle que je vous ai résumé plus haut) nous est raconté avec le niveau zéro de la narration: des cartons textes. Le soucis étant qu'avec ce niveau d'exposition, avec très peu d’ambiguïté, il est extrêmement difficile d'établir un sous-texte sans que celui-ci te saute au visage d'entré de jeu (ce qui finit inévitablement par se produire). Il en devient presque décevant lorsque l'on découvre les origines de Van, son histoire ainsi que celle de la petite fille, et qu'on nous présente cela comme une sorte de plot twist au milieu du film alors qu'on l'avait bien compris depuis un moment. Mais plus que ne pas savoir quoi raconter en sous-texte, le film ne sait pas quoi raconter tout court. Faisant déambuler son personnage principal à travers les forêts et les montagnes sans trop de gradations, le film s'embourbe dans la simplicité du quotidien que tente de construire Van et qui, bien souvent, n'a pas sens profond. Les actions entreprises par les personnages sont souvent prises pour ce qu'elles sont, et non pour une signification autre. Cela a pour conséquence de rendre très neuneu les égarements de certains personnages (notamment un médecin et une pisteuse) qui, dans un récit à l'écriture un poil trop sérieuse, tombent dans des moments pathos où la sur-expressivité fait tache dans un film se voulant presque naturaliste... j'ai bien dit presque.


Le film a beau essayer d'entretenir une atmosphère presque méditatif (très efficace et maitrisé) autour de cette quête de soi qui vient contraster par la violence de la guerre et des complots pour l'indépendance du peuple rouge, l'écriture reste assez grossière par endroit. Le personnage principal se retrouve trop souvent érigé comme un élu divin sans défaut ni rature, manquant beaucoup d'occasions de ne pas s'enfermer dans une image idolâtré de dark sasuké un peu puéril, ce qui est n'est pas tant pratique quand on sait que 75% du film repose sur ses épaules. Il n'empêche que le film est passionnant à suivre, dans un voyage ésotérique et apaisant où l'on ne propose rien d'autre que de laisser son esprit guider par cette homme perdu entre deux guerres (militaire et intérieur), et même si celui-ci ne décolle jamais vraiment, on y prend beaucoup de plaisir car étant assez simple dans ses intentions. On suit un personnage torturé dans un monde fictif, ce personnage doit se reconnecter à la nature pour trouver la paix, et on avance jusqu'à qu'il arrive à fuir la guerre et les emmerdes. Malheureusement, peu être dépassé par un univers beaucoup trop grand pour ce qu'il a à raconter, les réalisateurs se perdent dans ce qu'ils veulent mettre en avant (n'ont peu être pas le talent pour y arriver), et cherchent à étoffer outre mesure (à coup de backstory et de passés torturés) une histoire qui n'a pas besoin de l'être. C'est un film sans prise de tête, assez simple d'esprit, qui souhaite amener un propos sur l'écologie. Dans un certain sens, le film me rappelle Mars Express de Jérémie Perrin, sorti récemment, qui lui aussi avait le problème de trop se focaliser sur l'univers et le plaisir de déambuler dans un univers marqué, en délaissant la narration. La différence est que The Deer King, dans sa simplicité d'esprit et d'exécution, arrive à trouver une efficacité et d'attachement. On sait comment va se terminer (même si certains moments trouvent le moyen de nous faire douter), on voit que le film est balbutiant, mais il n'en reste pas moins une très belle expérience à voir une fois avec les bonnes clefs pour pleinement l'apprécier. Si vous n'avez pas compris The Deer King lors de votre premier visionnage et/ou que vous avez peur de ne rien comprendre en le voyant (même à nouveau), redonnez une chance en ne retenant que l'essentiel. Si vous l'avez vu, vous avez déjà les clefs pour mieux l'apprécier une seconde fois, j'espère qu'à travers cette critique, vous aurez les clefs pour l'apprécier si vous le découvrez pour la première fois.


13,75/20


N’hésitez pas à partager votre avis et le défendre, qu'il soit objectif ou non. De mon côté, je le respecterai s'il est en désaccord avec le miens, mais je le respecterai encore plus si vous, de votre côté, vous respectez mon avis.

Youdidi
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le 23 févr. 2024

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