Un divertissement fort sympathique, parasité par de lourdes maladresses

Le roi Arthur, les Chevaliers de la Table Ronde et consorts font partie de ces récits qui ont été adaptés sous toutes les formes possibles, sous diverses versions et ce depuis bien des siècles qu’il est désormais impossible de trouver une once d’intérêt à une énième adaptation. Pourtant, le pari ne semble pas effrayer le réalisateur Guy Ritchie (Snatch, RocknRolla) étant donné qu’il s’attaque, à son tour, aux éternelles légendes arthuriennes. Mais quand on connait la filmographie du bonhomme (qui a réussi à dépoussiérer Sherlock Holmes avec Robert Downey Jr.) et son style de mise en scène si spécifique, le projet s’annonce sur le papier beaucoup plus vendeur et accrocheur que n’importe quel autre long-métrage porté sur le célèbre roi. Qu’avons-nous au final ? Sans passer par quatre chemins, disons que le cinéaste à su concocter pour son public un divertissement pour le moins sympathique, souffrant toutefois de maladresses difficiles à ignorer.


Avant toute chose, il est préférable de préciser que ce Roi Arthur ne sera pas au goût de tout le monde. À commencer par les plus fervents adeptes des récits arthuriens, étant donné que Guy Ritchie nous propose une « relecture » de son cru. Dans lequel le jeune héros est une sorte de caïd, élevé dans un bordel, qui va devoir affronter son destin le liant à un roi tyrannique, dans un monde beaucoup plus fantasy à la Seigneur des Anneaux que féerique et chevaleresque. Un univers pas si médiéval que cela malgré les apparences, qui reprend certaines bases de l’histoire originale (les personnages d’Uther Pendragon, de Perceval et de la Dame du lac, l’épée Excalibur, la table ronde…) tout en prenant énormément de libertés. Comme le fait de mettre sur le banc de touche des protagonistes pourtant incontournables des récits (Lancelot, Gauvain, Merlin, Guenièvre, Morgane…). De changer à sa guise la trame principale : Arthur n’est plus le fruit d’une relation incestueuse entre Uther et la femme de son rival, mais bien le fils du même Uther, roi adoré et mari fidèle, qui se sacrifie pour sauver sa progéniture. Ou encore de faire des références déformées aux récits initiaux : au lieu d’être le fils d’Arthur, Mordred est ici un terrifiant mage que combattait Uther. Vous l’aurez compris, ce qui importe Guy Ritchie dans ce film, c’est de nous proposer sa vision du personnage du roi Arthur, dans une histoire inédite (à défaut d’être originale). Un aspect risqué mais culotté au possible, comme nous avait déjà habitué le cinéaste pour ses autres longs-métrages (il suffit de se replonger dans ses Sherlock Holmes).


Le Roi Arthur version Ritchie ne plaira pas non plus à ceux qui sont plutôt réfractaires à son style de mise en scène. En effet, le cinéaste semble reprendre ce qu’il avait fait sur ses adaptations du détective de Baker Street, à savoir du stylisme bien bourrin et barbare. Optant pour un visuel plutôt grisâtre et switchant bien souvent entre accélérés et ralentis, zooms abruptes et éloignement soudains de la caméra pour les séquences d’action, donnant un cachet assez spécial à l’ensemble. Que l’on aime ou pas, nous ne pouvons nier l’évidence : cela met en valeur la production design du film, plutôt alléchante (et ce même si le bestiaire des créatures se révèlent assez peu conséquents), réinvente quelques scènes à l’épée (notamment celles où Excalibur est utilisée), donne au film des airs de jeu vidéo bienvenus dans ce type de production (un combat final que l’on verrait bien dans Dark Souls), prodigue à certains plans une beauté ténébreuse (l’introduction du long-métrage) ou bien poétique (la vision d’Arthur avec la Dame du lac)… Bref, là aussi, Guy Ritchie livre une vision des légendes arthuriennes très personnelle, sur le plan artistique. Et il va au bout de son cheminement en peaufinant une ambiance qui lui est propre, oscillant entre un sérieux magnétique et un ton décalé plutôt réussi (les surnoms de certains personnages comme Fesse d’huître, le côté bad boys au grand cœur d’Arthur, des vulgarités modernes, un montage parallèle lors de l’énonciation d’anecdotes des protagonistes, le coup de l’oreille coupée, la bande son assez rock’n roll…).


En sachant donc à quoi vous attendre, vous aurez avec ce Roi Arthur un divertissement fort sympathique, qui bénéficie d’une mise en scène très énergique et d’une ambiance maîtrisée qui sauront charmer le temps du visionnage. D’acteurs principaux semblant s’amuser comme des petits fous (Charlie Hunnam et Jude Law en tête). D’effets spéciaux dans l’ensemble très réussis (l’assaut de Mordred avec les éléphants géants), bien qu’il y ait par moment quelques ratés (le serpent géant). D’une bande originale, signée par Daniel Pemberton (qui avait déjà collaboré avec Guy Ritchie sur Agents très spéciaux – Code U.N.C.L.E.), transpirant la badass attitude avec énormément de générosité. Tout ce qu’il faut pour passer un agréable moment ! Il est cependant dommage que le film ait connu des problèmes de production beaucoup trop visibles dans le résultat final. Induisant notamment des réécritures et un montage très maladroits qui nuisent par moment à la compréhension du récit : le fait que l’antagoniste se soit associé à des sorcières à la Ursula, Arthur passant « un séjour » dans une sorte de dimension plus sombre et violente, l’apparition soudaine de ses amis parmi les rebelles, l’attaque du serpent géant au château de Vortigern… D’autres aspects du film sont également touchés par ce constat. Dont le traitement très vite expédié des personnages secondaires, ne donnant pas suffisamment de champ à leur interprète respectif de s’éclater convenablement (une remarque s’appliquant en priorité à Aidan Gillen). Ainsi que le rythme du long-métrage, qui propose ce qu’il a de plus spectaculaire au début et non à la fin. Qui n’arrive pas à combler les problèmes d’écriture au point de rendre l’ensemble longuet sur certains passages. Donnant l’impression d’avoir en face de nous un divertissement incomplet sachant se montrer généreux mais ne parvenant jamais à masquer des transitions beaucoup trop brutales. Des coupures et raccourcis de narration bien trop visibles.


Certes, Guy Ritchie nous avais habitué à bien mieux en termes de blockbuster hollywoodien (et que dire de ses projets plus indépendants !). Le réalisateur n’aura sans doute pas su trouver toute la liberté nécessaire pour un tel film, qui lui aurait permis de faire éclater son style si particulier. Il apporte un vent de fraîcheur aux récits arthuriens, sans toutefois véritablement impressionner. Mais en faisant fi des maladresses du film, vous trouverez dans Le Roi Arthur : La Légende d’Excalibur un divertissement remplissant suffisamment son cahier des charges pour maintenant éveillé le public. Proposant un long-métrage au charme visuel certain et à l’efficacité indiscutable. Ce qui est tout à fait honorable !

Critique lue 277 fois

D'autres avis sur Le Roi Arthur - La Légende d'Excalibur

Le Roi Arthur - La Légende d'Excalibur
Fosca
8

Dark Souls : Prepare to Die

C'est avec l'amère sentiment d'une histoire bien trop souvent exploitée et rarement pertinente que je découvrit l'existence de ce projet filmique. Et puis il y a eu cette bande annonce qui su me la...

le 18 mai 2017

48 j'aime

2

Le Roi Arthur - La Légende d'Excalibur
Tonto
4

Quand on a pas de technique, il faut y aller à la zob.*

Fils du roi Uther Pendragon (Eric Bana) et orphelin, Arthur (Charlie Hunnam) a grandi sans connaître son origine royale dans une maison close de Londres. Mais l’usurpateur Vortigern (Jude Law), oncle...

le 24 mai 2017

44 j'aime

16

Du même critique

Batman v Superman : L'Aube de la Justice
sebastiendecocq
8

Un coup dans l'eau pour la future Justice League

L’un des films (si ce n’est pas LE film) les plus attendus de l’année. Le blockbuster autour duquel il y a eu depuis plusieurs mois un engouement si énormissime que l’on n’arrêtait pas d’en entendre...

le 28 mars 2016

33 j'aime

1

Passengers
sebastiendecocq
5

Une rafraîchissante romance spatiale qui part à la dérive

Pour son premier long-métrage en langue anglophone (Imitation Game), Morten Tyldum était entré par la grande porte. Et pour cause, le cinéaste norvégien a su se faire remarquer par les studios...

le 29 déc. 2016

29 j'aime

La Fille du train
sebastiendecocq
4

Un sous-Gone Girl, faiblard et tape-à-l'oeil

L’adaptation du best-seller de Paula Hawkins, La fille du train, joue de malchance. En effet, le film sort en même temps qu’Inferno (à quelques jours d’intervalles), un « Da Vinci Code 3 » qui attire...

le 28 oct. 2016

28 j'aime

4