Hollywood a depuis toujours produit des remakes. Avant la télévision, il y avait les serials. Les adaptations d'oeuvres romanesques à personnages récurrents, celles de Conan Doyle puis d'Agatha Christie notamment, ont introduit l'idée de série dans le cinéma, dans les grosses conneries comme James Bond, puis dans les semi-parodies ou parodies telles que Matt Helm ou Flint et la Panthère Rose, au centre desquelles on retrouvait en général le détective.
La distinction conventionnelle entre deux "formes" d'art a souvent des origines économiques, et non liées à un absolu ou à une supériorité d'un medium sur l'autre. En somme, la télévision a fait renaître les feuilletons cinématographiques (serials américains, Vampires et autres Fantômas français), et la séparation n'avait rien de plus fondamental qu'entre les feuilletons publiés dans les revues et leur compilation sous forme de recueil ou de roman. Les séries télévisées ne bénéficiaient tout simplement pas des moyens du cinéma, d'où la favorable adoption d'un ringard volontaire de la série Batman quelques années après la naive adaptation télé de Superman.
Mais bien sûr, tout cela n'était que de la gnognotte comparé à ce que George Lucas a initié au tournant des années 80.


Sur plusieurs plans, il avait réussi dans ce passage d'étendues désertiques de sable puis de glace vers un monde verdoyant, à concilier formes traditionnelles et progressistes. Il prenait le parti de la résistance rouillée et poussiéreuse montée de bric et de broc contre l'ordre blanc et stérile, et tentait de passer le flambeau des valeurs "hippies" à la nouvelle génération. Mais en même temps, il bâtissait son propre empire fondé sur la marchandisation de son imaginaire, et donnait aux geeks un giron confortable à leurs obsessions étroites, accompagnant l'avènement de la génération digitale.


Les suites devinrent la norme cinématographique et une garantie de succès commercial.
Si Star wars avait été pensé comme un ensemble, Indiana Jones et le temple maudit constituerait le modèle des sequels : un personnage de héros charismatique revenant dans des aventures où l'action de la première version était reprise et démultipliée (certes, Lucas a offert Indiana Jones à Spielberg en guise de James Bond que ce dernier voulait réaliser). Le principe était déjà là : reprendre une formule et la pousser à son paroxysme. De fait, l'icône des années 80 sur laquelle le sénile Reagan bavait d'envie, Stallone, s'enfonçait dans l'autoparodie de Rocky en Rambo. Et depuis, nous avons atteint le stade trois de la dégénérescence : le reboot.


Lucas aime à dire qu'il s'est inspiré des serials. Surtout de l'un d'entre eux, qui est l'adaptation d'une bande dessinée : Flash Gordon. Si Lucas a retouché sa trilogie après 15/20ans, c'était pour "enrichir" ses films avec des effets digitaux dont il a passé toutes ces années à financer le développement via son entreprise ILM, et c'est lorsqu'il a estimé ces outils assez efficaces qu'il a tourné sa "prélogie". Pendant toutes ces années, il préparait la vague d'adaptations de comics qu'il avait anticipée, et qui n'attendait que les technologies idoines.


La fusion entre Disney, Lucasfilms et Pixar résulte d'une logique industrielle simple, liée à la part primordiale prise par les effets spéciaux dans le cinéma de masse et dans ses coûts de fabrication. L'animation et le cinéma "live" ont convergé, et les investissements de recherche et développement seront amortis dans toute la gamme de produits utilisant la fabrication d'images digitales. Par exemple, les progrès réalisés dans la représentation de l'eau dans un film d'animation, seront utilisés pour rendre plus réalistes les effets spéciaux d'un film de super-héros. Et les nouvelles versions du Roi lion, de La belle et le clochard, etc. en digital, à la fois bénéficient des avancées passées qu'ils servent à rentabiliser, et font avancer les technologies pour les films futurs, tout en prenant un risque commercial minimal, poussant à l'extrême la logique de familiarité et d'attachement du public aux oeuvres "patrimoniales" qui ont déjà fait leurs preuves. Ce genre de produit garantit un retour sur investissement qui permet de faire tourner la boîte, tout simplement.


Le cinéma a toujours été un art dérivatif se nourrissant des innovations et des influences picturales de toute l'histoire. Il doit savoir se maintenir "attractif" face à de nouvelles formes de divertissements et devenir capable de coexister avec les jeux video. Lesquels peuvent aller jusqu'à influencer la réception du spectacle par le client, et aboutir à une forme extrême d'accumulation de mouvement supposé maintenir captive l'attention du jeune amateur de divertissements interactifs, dont la capacité de concentration n'est pas adaptée à ce type de support - soit, L'ascension de Skywalker.


Disney a achevé de rendre désuète la séparation entre cinéma "en prises de vue réelles" et d'animation.


(suite ici)
(note : ce troisième film est déjà également un remake du premier)

ChatonMarmot
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le 13 janv. 2020

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ChatonMarmot

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