Prenez une feuille de papier, tracez des cases puis remplissez ces dernières avec tous les éléments à respecter pour être un gentil toutou bien-pensant, dans l'air du temps 2023. Ensuite, regardez le film et cochez tous les éléments au fur et à mesure de leur apparition. BINGO...


Alors, vous allez me dire que l'on a bien le droit d'évoquer l'antiracisme, l'homosexualité, l'(in)égalité des chances, tout ça... Mais, je suis tout à fait d'accord. Par contre, il ne faut pas que cela dégage l'impression d'être juste là pour cocher toutes les cases d'un bingo. Que chaque chose soit surlignée au stabilo géant en permanence, comme si le spectateur avait besoin qu'on lui balance tout en permanence dans la gueule. Que cela se fasse au détriment de la qualité du scénario.


Il y a trois intrigues qui se jouent en parallèle. Chacune concernant un membre d'une même famille : une mère et ses deux filles.


L'ainée veut absolument ne pas s'engluer dans le déterminisme social. Bien évidemment, cela ne peut que passer par une volonté de mise à distance de ses deux proches desquelles elle ne se sent pas proche, car honteuse de sa classe sociale. Les oppositions entre la fille (dont notre honteuse est amoureuse !) de l'employeur de sa mère et l'employeur en question ne servent qu'à bien mettre lourdement en évidence ce qui était déjà évident (oui, comme quelqu'un qui se sent obligé de vous expliquer une blague qu'il vient de vous raconter alors que vous l'avez parfaitement saisie !), à savoir que derrière une mince façade de bienveillance "gauche caviar" d'une partie de la bourgeoisie bien friquée, se cache un mépris pour des êtres dont ils prétendent fièrement en avoir quelque chose à foutre. Mais, dans cette intrigue, il y a une sous-intrigue qui fonctionne partiellement : la romance lesbienne entre la fille du patron et l'ainée. Non pas par sa qualité d'écriture, étant donné qu'elle est loin d'être pleinement creusée et aboutie (comme tout le reste !), mais par l'alchimie et le naturel qui se manifestent entre les deux comédiennes, Suzy Bemda et Lomane De Dietrich.


La cadette, elle, semble vouloir foncer dans le déterminisme social. Et qu'est-ce qu'une fille noire de banlieue défavorisée fait forcément lorsqu'elle se décide à appuyer à fond sur la pédale du déterminisme social ? Bingo, elle vend du shit (qu'elle a chouré cela s'entend... ben, manquerait plus qu'elle commette un acte honnête, y compris au sein d'un qui soit malhonnête !) à un Corse (plus caricatural comme Corse, vous mourrez... l'accent à couper à la tronçonneuse, le racisme et même le flingue !)... voilà... voilà...


La mère, elle, en retournant en Corse (oui, l'ensemble se déroule sur l'Île de Beauté !), voit resurgir un passé douloureux auquel elle va devoir faire face. Vu que c'est autour de cela qu'est axée une séquence d'introduction intrigante, mettant l'eau à la bouche, on peut légitimement s'attendre à ce que ce nœud central soit particulièrement bien exploité. Que nenni, c'est expédié en un ou deux flashbacks rapides, deux ou trois très courtes scènes d'échanges et un final global bâclé, toujours maintenus au stade du succinct. C'est dommage, car dans le trop peu qu'il lui est fourni, Aissatou Diallo Sagna est remarquable de sobriété.


D'ailleurs, tous les interprètes sont très bons. Sur le plan technique, je n'ai rien à redire non plus. Le gros souci, c'est le scénario. À vouloir cocher toutes les cases au lieu de songer à chercher la justesse dans la caractérisation des caractères, à ne pas nous balancer des archétypes sur pattes, à bien approfondir et à prévoir une utilité pour chaque personnage, leur laisser le temps d'exister, à éviter de se faire suivre des situations lourdes, sans la moindre once de subtilité ainsi que de vérité, la réalisatrice Catherine Corsini rate ce Retour. Il donne uniquement envie de prendre un aller simple (OK, je sors !).

Plume231
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2023

Créée

le 12 juil. 2023

Critique lue 730 fois

24 j'aime

4 commentaires

Plume231

Écrit par

Critique lue 730 fois

24
4

D'autres avis sur Le Retour

Le Retour
Sergent_Pepper
3

Le réveil de la Corse

La Fracture avait été une bonne surprise, l’occasion assez rare de voir un Grand Théâtre Lumière de Cannes mort de rire devant un film en compétition, même si le potentiel de ce film au palmarès...

le 14 juil. 2023

10 j'aime

Le Retour
FrankyFockers
9

Critique de Le Retour par FrankyFockers

Une femme revient en Corse où elle a vécu pour la première fois depuis 15 ans. Ses deux filles n'en ont aucun souvenir. La femme vient pour travailler comme femme de ménage d'une famille aisée...

le 18 juil. 2023

1 j'aime

Le Retour
Cinephile-doux
6

Pour que tu m'aimes en Corse

Victime de polémiques et un peu trop "léger" pour se mesurer aux mastodontes de la compétition cannoise, Le Retour mérite d'être jugé pour ce qu'il est, à savoir un bon film sensible qui étreint...

le 17 juil. 2023

1 j'aime

Du même critique

Babylon
Plume231
8

Chantons sous la pisse !

L'histoire du septième art est ponctuée de faits étranges, à l'instar de la production de ce film. Comment un studio, des producteurs ont pu se dire qu'aujourd'hui une telle œuvre ambitieuse avait la...

le 18 janv. 2023

286 j'aime

19

Oppenheimer
Plume231
3

Un melon de la taille d'un champignon !

Christopher Nolan est un putain d'excellent technicien (sachant admirablement s'entourer à ce niveau-là !). Il arrive à faire des images à tomber à la renverse, aussi bien par leur réalisme que par...

le 19 juil. 2023

209 j'aime

29

The Batman
Plume231
4

Détective Batman !

[AVERTISSEMENT : cette critique a été rédigée par un vieux con difficile de 35 piges qui n'a pas dû visionner un film de super-héros depuis le Paléolithique.]Le meilleur moyen de faire du neuf, c'est...

le 18 juil. 2022

137 j'aime

31