Le règne animal de Thomas Cailley s’inscrit dans un thème à la fois très classique et très contemporain qui est celui de la métamorphose animale. Le film demeure néanmoins subversif et singulier pour son jusqu’au-boutisme. Nous sommes ici dans une dystopie dans laquelle les humains se changent en êtres hybrides mi-humains, mi-animaux. Ces corps nouveaux et entre-deux peinent à trouver leur place et sont traqués par les humains ayant conservé leur forme initiale. On ne peut s’empêcher de penser à des références classiques comme les Métamorphoses d’Ovide et à des références plus récentes comme les films de Julia Ducournau en passant par les récits de Kafka. La question qui est posée est celle de la perte et de ce qui reste après une métamorphose. Ici la métamorphose est l’occasion de repenser une communauté et de renouer avec un instinct oublié. C’est ce que suggère la dernière scène du film.Emile (joué par l’excellent Paul Kircher qui confirme ici tout son talent après avoir été révélé dans le dernier film de Christophe Honoré, Le lycéen) refuse d’abord sa métamorphose puis l’accepte secrètement et la cache à son entourage. Lorsque son père la découvre tardivement, il fait tout pour la cacher et l’empêcher mais son fils est déjà dans l’acceptation de son nouveau corps à ce moment. Le propre d’une métamorphose n’est-ce pas d’être inéluctable par la logique destinale et secrète qui la régit? La métamorphose sera en effet l’occasion pour lui de nouer une amitié avec un homme-oiseau et de retrouver sa mère, elle aussi métamorphosée. On peut voir dans ces métamorphoses le symbole d’une humanité qui peine à trouver une forme stable à une époque elle-même marquée par l’instabilité avec l’espoir d’un changement qui nous ramènerait vers un instinct oublié ainsi qu’une certaine pureté des sentiments et du rapport au monde s’y rattachant.