Scénario :
C'est l'histoire d'un scénariste qui est obligé d'adapter l'Odyssée d'Homère. Sauf qu'il se dispute avec sa femme, qui, suite à un quiproquo (ou un désintérêt) décide de lui faire la gueule et lui avouer qu'elle ne l'aime plus. S'ensuit des engueulades de sourd, à moitié couverte par la bande son (enfin "toujours le même morceau" de George Delerue) et des discussions sur l'Odyssée, où le scénariste parle bien plus du rapport qu'il a avec sa femme que du script.


Le tout avec un Fritz Lang super cool, pas plus gêné que ça de tourner un script qui semble toujours en cours d'écriture.


Ce film fait partie de mon "rattrapage culturel" version "C'est sûrement de la merde mais je suis curieux."



En tant que sujet d'étude :



Le Mépris est ce genre de paradoxe de cinéma : il est cité régulièrement dans les listes des "meilleurs films de l'histoire du cinéma" mais je ne connais personne dans mon entourage qui ne supporte ce film. Il FALLAIT que je me fasse une idée.


Et après coup : spoiler : j'ai trouvé ça détestable et je me suis demandé limite si ce film n'est pas placé parmis la liste des meilleurs films de l'histoire du cinéma comme un troll : "hu hu, on a encore remis cette vieille bouse de Godard dans la liste, je pari qu'il y a encore des cons qui vont aller le voir."


Mais, soyons bon joueur, je vais essayer d'abord de voir ce que les critiques ont adorés dans ce film et pourquoi. Un peu de recontextualisation n'est pas de trop. Nous sommes en 1963. Le phénomène Brigitte Bardot bat son plein, Jean Luc Godard fait un film par an et accepte de tourner cette "super-production" (y a Bardot dedans et c'est tourné en Italie) a condition de faire comme il le veut.


Les producteurs sont un peu chiants parce qu'on ne voit pas ses fesses (il y a une séquence où elles sont cachées par un livre) et fait retourner une scène où l'on ne voit quasiment QUE les fesses et où Goddard s'amuse avec des filtres. (C'est son grand truc, ça, s'amuser avec des filtres.) A cause de ces fesses, le film est interdit au moins de 18 ans à l'époque. Ce qui prête à sourire maintenant.


Le film raconte le délitement d'un couple dans lequel la femme décide qu'elle méprise l'homme sur un coup de tête (le fameux "il faut filmer l'invisible" de Godard) avec en parallèle un tournage sur l'Odyssée. En gros, la théorie du personnage principal est qu'au fond, Ulysse n'aime plus Pénélope et que c'est pour ça qu'il met autant de temps à rentrer tout comme au début du film, le personnage joué par Picolli met une demi-heure à rejoindre sa femme restée chez son patron, tout en prétextant que ça a été la galère, alors qu'au fond, on a l'impression qu'il avait plus envie de flâner dans les rues de Cinnecitta. (Qui n'aurait pas envie de flâner dans le rues de Cinnecitta ?)


Le parallèle s'arrête là : il ne s'agit pas comme le Ulysse de James Joyce, de reprendre la structure du voyage ou des péripéties (même si je soupçonne la scène où les personnages vont voir un spectacle d'être une métaphore de la scène des sirènes) mais de tisser des parallèles. Une clé que le film donne explicitement dans le film dans un dialogue entre Piccolli et Fritz Lang.


Autre qualité du film : c'est bien filmé. Notamment tout ce qui se passe à la fameuse "Villa Malaparte" de Capri. Les gars ont l'un des meilleurs chef op de l'époque, Raoul Coutard, qui a bien su utiliser les îles italiennes et enchaine les plans séquences, les points de vues franchement beau et sait vraiment jouer avec le cadre. (Ce plan depuis un escalier avec d'un côté Paul, de l'autre sa femme en train de se baigner est ni-quel.)



Mon avis personnel :



En fait, plus ça va, plus je me demande si ce que j'ai trouvé détestable dans ce film ne relève pas plus du changement de moeurs que d'une véritable superficialité du film. On est dans les années 60. Jean Luc Goddard est, comme la quasi-totalité de la nouvelle vague, un homme d'une époque vaguement phallocrate où la femme est considéré comme un "mystère" différent de l'homme et que l'on cherche à filmer plus qu'à élucider.


Ainsi, je déteste le jeu de Brigitte Bardot dans ce film : il est apathique, dénué de toute intention et y a pas une ligne correcte. Mais ça s'accorde bien avec la vision de Jean Luc Goddard de "la femme" : un être mystérieux, qui agit par instinct (elle dit "oui" puis "non" n'est jamais clair. Elle dit qu'elle n'expliquera jamais son "mépris" en disant "je préférerais mourir plutôt que de te l'expliquer" avant de l'expliquer deux minutes après) et donc, c'est comme ça.


Selon Wikipédia, Jean Louis Bory disait : "Le Mépris est le film de Bardot, parce qu'il est le film de la femme telle que Godard la conçoit et telle que Bardot l'incarne."


Or pour moi, si cette critique qui se voulait comme une comparaison à Et Dieu créa la femme (autre classique que je trouve AUSSI franchement daté et misogyne et qui, effectivement, est bien moins bon) est censé être positive, elle encre mon ressentiment négatif : il s'agit d'une vision réductrice de la femme. Ça rappelle Pierrot le Fou avec sa Anna Karina qui trahit Belmondo parce que.... bah, c'est comme ça "les femmes elles peuvent changer leur sentiment en trente secondes et pis c'est tout."


Idem lorsque je lis une critique qui dit : "Là encore, un geste anodin de Paul, une claque sur les fesses de Francesca entraîne le drame."


Il faut être ancré dans les années 60 pour qualifier une claque au cul (envers une personne qui n'est pas votre femme et que vous connaissez à peine) de "geste anodin." Et effectivement, c'est filmé comme un geste anodin. D'ailleurs, durant toute la scène, Paul parle avec la traductrice et lui touche les cheveux, la caresse tout en lui parlant vaguement de son script. Si à l'époque ça pouvait peut-être paraitre pour "un geste d'affection pas méchant" sur le coup j'ai trouvé que c'était super-condescendant. Ce côté "Hé, c'est juste une traductrice, ça va, on peut" qui fait que j'ai déjà, de fait, aucune affinité avec ces gens.


Et autant j'ai aimé des classiques du cinéma parce que j'arrivais à m'identifier aux personnages malgré un contexte lointain, autant ici j'y vois des personnages que je ne comprend pas, dont le sort et les affects m'indifférent. Le coeur du film est une longue scène d'engueulade qui ne mène à rien, n'aboutit à rien, où Bardot tourne autour du pot et où Piccolli semble être en mode "rholalala, elle est chiante, hein."


Bon, après quand quelqu'un me dit sur Twitter : "Rien que le générique avec l'équipe de tournage dans le champ, ça me détruit, c'est ça le cinéma pour moi." Je fais "ha ?" Pour moi c'était juste un plan sur un traveling et un début de film un poil plus original que la moyenne.


Après... si on part dans le subjectif, une des choses que j'ai bien apprécié dans ce film... c'est Fritz Lang. Qui n'est pas censé être acteur à la base et joue simplement son propre rôle (sans doute content que cela lui permettre de passer du temps sur la cote italienne.)


Ha, et puis, il y a quand même un point sur le SON ! Parce que si l'image est belle, autant le mixage sonore est pénible. Au début j'étais content d'écouter le célèbre morceau de Georges Delerue. mais à la troisième ou quatrième apparition j'ai commencé à trouver ça gavant. Et le morceau revient 10 fois, (en fait quasiment à chaque fois qu'il faut mettre de la musique.) Et il est 15 fois trop fort (il bouffe une ou deux fois les dialogues) et dans une qualité vieillotte ce qui fait que ça a rendu l'expérience encore plus pénible.


Bon, allez, tout le monde (y compris des gens qui n'aiment pas ce film) me dit que le seul film que je devrais voir de Godard c'est A Bout de Souffle. Du coup, je suis curieux.

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le 20 avr. 2019

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