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Le golem
Le golem

Téléfilm de Jean Kerchbron (1967)

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"Digne d'un téléfilm", pour le critique, la formule est généralement péjorative, synonyme de banalité et de mise en scène médiocre. Marcel Bluwal a voulu aller à l'encontre de cette idée reçue, en initiant une collection "Les grandes fictions de la télévision", proposant des classiques du théâtre tels que La mégère apprivoisée ou Cyrano de Bergerac, avec de grands acteurs tels que Brialy, Noiret ou Marielle.

Pas de star dans ce Golem, mais une réalisation stupéfiante signée Jean Kerchbron. Du cinéma expressionniste, à la lisière du fantastique, visuellement très inspiré. J'ai pensé à Jean Epstein et sa Chute de la maison Usher, à Buñuel aussi auquel l'image d'un oeil incisé fait directement référence, au cinéma surréaliste d'un Guy Maddin encore. Le long métrage de Kerchbron conjugue les forces et faiblesses d'un film tel que Tales from the Gimli Hospital.

Commençons par ces dernières. D'abord ce gloubiboulga ésotérique asséné avec la légèreté d'un bulldozer tout au long des presque deux heures du film. "Tu es un songe de prisonnier" et autres "il n'y a plus de péripétie lorsqu'on a trouvé sa voie". Verbeux et indigeste. Ensuite, le caractère abscons qui en découle, exactement comme dans le film de Maddin. Pas compris où l'auteur voulait en venir. Cette créature de glaise qui se réveille tous les 33 ans, venu ici interpeller un homme qui cherche sa voie spirituelle, mêlée à des histoires de meurtre et d'adultère... "Obscurissime". Quand on pense que ce Golem a été diffusé en 1967 à la télévision à 20h30 !... On imagine aisément le flop. Une audace éditoriale totalement impensable aujourd'hui.

L'un des rares personnages compréhensible et touchants est celui de Myriam, suintant la pureté grâce au physique et à l'interprétation sérénissime de Marika Green. "Mon rôle est de rêver que le monde est beau". Plus parlant que le reste. S'y oppose son contraire, Angelina, la femme légère en blanc incarnée par Magali Noël, à laquelle Athanase finit par succomber... avant de comprendre que son destin était bien la diaphane Myriam. Pour le reste, on croise un brocanteur, un futur médecin qui se donnera la mort, un juge, une brune aguicheuse, un prédicateur à barbe blonde, un assassin violeur repenti... en pataugeant allègrement. Last but not least, le rêve du héros qui s'achève, révélant l'époque à laquelle nous sommes, et l'Athanase d'aujourd'hui constatant que celui d'hier a bien fini aux bras de sa belle. N'en jetez plus.

Ce serait raté sans l'inventivité formelle presque permanente qui s'affiche à l'écran, celle qui fait mentir le jugement hâtif évoqué au début de cette critique. Puisque le propos n'a à mes yeux ni queue ni tête, plus qu'à dresser un simple inventaire chronologique des images qui sont venues émerveiller mes pupilles et parfois aussi mes oreilles :

- D'entrée de jeu, le plan zénithal tournant dans une église, avec des pas dont on croit qu'ils tournent autour du cercle mais finissent en fait par y entrer.

- Le miroir en forme de silhouette dans lequel le héros se contemple.

- Le combat de pieds dans l'escalier, entre Athanase et une prostituée, qui cherche à lui barrer le passage pour le retenir.

- Le changement d'éclairage sur le visage d'Athanase qui écoute une voix qui lui parle.

- Les visages en gros plan à la taverne alors qu'est évoqué le fameux Golem.

- La très étourdissante scène de danse, qui m'a rappelé une scène similaire dans Le plaisir de Max Ophüls.

- Athanase allongé dans une haute pièce, chez "Ilel", l'archiviste guérisseur (Ilel ou Ilelle ? celui qui réconcilie le masculin et le féminin ?).

- Le masque du Golem, tirant le film vers le fantastique, associé à des battements de coeur.

- Les capuches noires qui s'élancent à sa poursuite, telle une volée de corbeaux.

- L'étrange couloir brillant, donnant l'impression d'un changement de dimension spatio-temporelle.

- Le décor du quartier, avec ces escaliers et la maison de Ilel sur la gauche, bien mis en valeur par l'éclairage changeant, comme sur le plateau d'un théâtre.

- Dans la prison, la ronde des prisonniers en blanc sous la neige, avec gros plans sur leurs pieds.

- Athanase dans son cachot, dans un superbe noir et blanc digne d'un Murnau ou d'un Fritz Lang.

- Le juge qui informe Athanase de son acquittement en lui tournant autour, répondant à la toute première scène - on sait que le cercle est un symbole ésotérique, exprimant ici cette fameuse pièce sans aucun accès où il faut malgré tout trouver le moyen de se rendre.

- La chanson entêtante qu'on a entendue tout le film durant, reprise d'une façon swing lorsqu'on a changé d'époque.

Il s'agissait de savoir d'abord comment traiter le public. Intelligent ou pas ? Nous avons choisi la première solution.

a déclaré Jean Kerchbron. Pas seulement intelligent : branché ésotérisme. Pour moi qui ne suis pourtant pas d'emblée réfractaire à ce domaine, ce Golem a rapidement outrepassé ma capacité d'absorption. Jodorowsky est battu. Resnais aussi : Le Golem, c’est un peu L’année dernière à Marienbad, en bien plus abscons encore. Comme la fameuse pièce du film sans porte d’accès. 8 pour les images, 5 pour le propos : le contrepied exact du téléfilm de base. Avec ce genre de clivage, la note moyenne ne signifie pas grand chose.

6,5

Jduvi
7
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Créée

le 21 sept. 2023

Critique lue 26 fois

Jduvi

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