Ce qu'il y a de plus incroyable, dans Le Garçon et la Bête, c'est que Mamoru Hosoda déjoue absolument toutes les attentes. Il s'agissait à l'origine d'un simple récit initiatique d'un petit garçon qui s'accomplit. Le Garçon et la Bête est pourtant tout autre. Non. Il transcende son idée de départ au point de presque proposer deux films en un, tout en gardant, pourtant, une cohérence de tous les instants et un équilibre miraculeux.


La rencontre entre l'orphelin et cet ours mal léché aurait été assez riche pour nourrir le film entier, tant dans son déroulement que dans les sentiments qu'elle convoque. L'évolution de ce drôle de couple émeut et fait rire à la fois. Une évolution exactement parallèle entre le disciple qui peine à trouver sa place et le senseï qui est loin de ressembler au maître idéal, apte à faire découvrir sa propre force. Ce duo dysfonctionnel se ressemble pourtant par trop. Même côté taciturne, même égoïsme, même blessure liée à l'absence, mêmes coups de colères dévastatrices et enfantines usant des mots les plus exagérés pour dire ce que l'on ressent et qui nous étrangle.


L'enseignement ne se fait donc pas, dans un premier temps, sur le terrain physique, mais est plutôt de l'ordre du spirituel et de l'affectif, même s'il s'établit dans la fureur, la colère et les prises de becs constantes. Car Le Garçon et la Bête oppose à cette dernière un miroir déformant et temporel qui lui renvoie l'image de celui qu'elle était dans toute sa jeunesse amère et désenchantée. La bête s'adoucit, l'orphelin évolue. Chacun apprend de l'autre et grandit dans la création d'une nouvelle cellule familiale, ou du moins, dans la recherche réciproque et émouvante d'un père et d'un fils d'une infinie tendresse.


Le film aurait pu se terminer à cet instant, dans cet accomplissement. Au contraire, il confronte son petit héros qui a grandi dans un monde merveilleux à celui de ses origines humaines. Et Mamoru Hosoda d'utiliser avec intelligence les petites graines qu'il a semées, comme cette ombre malfaisante qui dévore une vitrine, afin d'offrir un autre miroir au héros, tout en l'inscrivant dans un collectif, une famille qui lui montre la voie et des enjeux émotionnels renouvelés dépassant ceux du début de l'aventure. Le questionnement sur l'identité et l'image du vide dans le coeur parlent et résonnent alors en chacun de nous, le tout culminant dans un climax de sentiments incroyable, entre un duel en pleine arène se prolongeant dans un affrontement saisissant ayant pour cadre un carrefour de Shibuya.


La beauté graphique et ses effets sont au summum, dans un déferlement tout aussi magnifique qu'inquiétant et dramatique du merveilleux dans une réalité frontale qui n'est pas sans évoquer les ravages d'une attaque terroriste. En convoquant Moby Dick comme image du combat contre soi-même et du passage à l'âge adulte, Mamoru Hosoda tutoie, dans Le Garçon et la Bête, les sommets de son art, mais surtout, suscite les émotions les plus vives et les plus simples, celles qui font rougir les yeux et s'inquiéter pour le petit héros, pour lequel on s'est pris d'affection et que l'on a vu grandir.


On ressort du film comme sous le choc, hébété devant un tel coup de maître et un tel coup de foudre, tant ils sont immédiats et définitifs, comme, finalement, dans tous les films de Mamoru Hosoda. Un magicien, un enchanteur d'images qui, avec Le Garçon et la Bête, vient combler le vide de nos coeurs blasés de ses sentiments délicats et désarmants, jusqu'aux larmes.


Behind_the_Mask, convaincu d'avoir trouvé l'amour de sa vie.

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