Le patrimoine génétique de la culpabilité

"Le Fils du pendu" correspond à mon sens assez bien à l'archétype du film qui cherche à défendre une cause noble avec de mauvais arguments. Arguments théoriques, bien sûr, mais également de mise en scène, qui desservent malheureusement le propos au lieu de lui donner corps.


La séquence introductive nous explique sans tarder à quel point Danny (sous les traits d'un Dane Clark en manque patent d'expressivité, un peu perdu derrière son regard tragiquement vide) a toujours vécu dans l'ombre de son criminel de père et dans une peur protéiforme. Peur des camarades et de leurs brimades incessantes ("bouh, c'est le fils du pendu euh !"), peur des coups divers à la rentrée d'automne, peur qu'un mauvais sang héréditaire coule dans ses veines et qu'il soit en passe de devenir un meurtrier comme son père. La culpabilité codée dans l'ADN. Cette dernière peur-là sera explicitée plus tard dans le film et occupera la majorité de l'espace, mais elle est illustrée dès la toute première séquence, de manière parfaitement univoque, alors qu'il reproduit très vaguement le schéma paternel : il tue quelqu'un.


Originalité (relative) pour un film noir, le suspens n'est pas de l'ordre du whodunnit, il est à chercher du côté de la rédemption morale et de l'évolution psychologique du protagoniste : très vite, l'essentiel tourne autour de la conscience de Danny et de sa responsabilité qu'il tente vainement de fuir. Un discours intéressant sur la nécessité d'assumer ses actes en société et sur la négation d'une part de fatalité, qui ne trouve cependant pas l'écho suffisant dans le développement narratif du film. La rhétorique se fait souvent très lourde, et les tiraillements du héros sont parfois illustrés de manière vraiment poussive. La culpabilité dévorante n'a pour moi jamais pris corps dans les dérives de Danny, enfermé dans une succession programmatique de péripéties dont les coutures seront toujours restées un peu trop visibles.


On peut ressentir une certaine volonté de peindre la crasse des marécages sudistes avec un souci tantôt réaliste, tantôt expressionniste (ah, ces décors de studio). Mais aussi réussie soit cette toile de fond, avec toute une flopée de personnages secondaires de qualité, c'est un écrin qui ne suffit pas à gommer les imperfections (d'écriture ?) du personnage en son centre. Jamais le traumatisme ne m'est apparu palpable ni son comportement compréhensible. Entre une interprétation du viol pour le moins saugrenue (en substance, "untel a violé quelqu'un, certes, c'est mal, c'est avéré, mais ne l'a-t-on pas blâmé avant tout à cause de son origine sociale ?") et une grand-mère à la fonction deus ex machina un peu trop opportuniste à la toute fin, ces tourments liés à un prétendu mauvais sang ne m'auront que très peu affecté.

Créée

le 16 mars 2017

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Morrinson

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