Le fameux faucon qui a fait couler tant d’encre. Le modèle qui a montré la direction en termes de film noir. C’est ce qu’il fallait faire dans le genre film tiré de romans « noir », à l’époque. C’était nouveau, et c’est vrai qu’on sent quelque chose de très « moderne » dans ce film, quand on le voit pour la première fois. Et la réputation qui pose une sorte de vernis sur le film n’y est pas pour grand-chose. Ce sacré volatile, on le voit très peu, d’où le mystère, et la focalisation de chaque personnage autour de cette chimère. Humphrey Bogart assoie une composition solide qui a fait école, un mélange de gangster cool, et de macho viril, malin, qui a inspiré toute une génération de détectives de cinéma. Un style, chapeau mou, clope au bec, pardessus, le flingue pas loin, ça a fait école. La mise en scène du débutant Huston est étonnante dans son audace stylistique. Faux raccords( ?), Contre plongées subjectives, le cadre très fortement charpenté, de façon géométrique, en appuyant sur les champs de force. Ainsi, quand Sam Spade que joue Bogart est accusé de meurtre, le policier l’interroge, et on sent qu’il a vieux compte à régler avec lui. Le triangle que forme à l’écran, les corps de Bogart attablé, et du policier assis sur le bureau, en position de supériorité hiérarchique, on sent le combat psychologique qui s’annonce. On pense que le policier mène le bal. Il le mène, pour l’instant. Des dialogues riches en rebondissements, peu d’action, une musique qui semble appuyer le jeu des acteurs. Il ne faut pas s’attendre à voir Scarface. Huston retire le film de gangsters de la rue, et le met dans une chambre d’hôtel, dans un bureau. La rue rentre dans le salon, je l’ai déjà entendu celle-là. Faire entrer l’espace public dans l’espace privé. L’intrigue se transforme en jeu de dupes, tout le monde manipule tout le monde. Mais qui trompe qui ? Des seconds rôles excellents, bons acteurs, bien dirigés, une histoire qui par ailleurs serait un vaudeville, ici ça gagne en poids et densité, parce que le danger rôde. Et il y a urgence, trouver c’est oiseau de malheur au plus vite, parce que les morts s’accumulent. Certains sont prêts à tuer pour le posséder. Le combat reste psychologique, mais c’est une lutte à mort. Et le plus dangereux n’est pas celui, ou celle que l’on croit. C’est hyper stylisé tellement que le film vieillit bien, et le parti pris de Huston se transforme en maîtrise, et le film en classique, qui a influencé beaucoup de futurs auteurs de films noirs, à commencer par Melville. Atmosphère pesante, noir et blanc sur film noir, tout dans le jeu d’acteurs, le texte, souffler le chaud et le froid, et un final plein de surprises, comme dans un roman de gare « noir ». La vérité ne compte pas. Seul compte le code de l’honneur. Flics, détectives et voyous sont tous un peu voyous. On est dans la jungle urbaine, la jungle de béton. Ce qui compte, c’est de savoir qui trompe qui, et rétablir l’ordre, un ordre de façade. Même l’oiseau, quand il apparaît enfin, on se rend compte qu’il trompait bien son monde, lui aussi. Sacré faucon ! Très bon moment, je ne m’attendais pas à ça. Le film tient la route malgré les années, il est à la hauteur de sa réputation.
Angie_Eklespri
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le 17 déc. 2014

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