The Devil All the Time est à ce point engoncé dans le désespoir des situations qu’il met en place que sa démarche tend rapidement à se séparer de la forme qui l’habille : nous comprenons vite et bien que le réalisateur, à l’instar du romancier dont il adapte l’œuvre, se saisit du mal comme d’un thème soumis à une série de variations. Un mal d’essence religieuse, qui ne cesse de s’articuler avec son versant opposé, à savoir le bien, pour interroger les destinées de ses personnages qui toutes se croisent et se détruisent à un moment donné. Le film est une lente dégradation de toute chose, et Antonio Campos la filme avec une platitude et une complaisance telles qu’il annihile la charge négative et malsaine : en lieu et place, une défilade de poses figées dans le temps et l’espace, dont les retournements, quoique rendus confus par l’enchâssement des récits et les nombreux flashbacks, s’avèrent prévisibles et décevants.
On pense beaucoup au remarquable The Place Beyond the Pines (Derek Cianfrance, 2012) qui investissait à juste titre sa tragédie chorale par le prisme d’une esthétique à la croisée du réalisme et de l’onirisme ; il bénéficiait également d’acteurs magistralement dirigés, ce qui n’est pas le cas ici. Si les comédiens sont bons, leur direction laisse à désirer, les contraint à grimacer ou à jouer l’absence de jeu et d’expressions. Il y a quelque chose d’artificiel dans The Devil All the Time qui rend sa reconstitution historique caduque et aguicheuse, de la même façon que James Franco s’improvisait metteur en scène dans le mauvais As I Lay Dying (2013). Reste une noirceur appréciable, portée par la voix off du romancier lui-même en version originale.