Le Deuxième souffle est une œuvre de vengeance dont la finalité est de laver un honneur préalablement sali par les calomnies ; et sa grande originalité, sa grande force aussi, c’est qu’elle aborde la vengeance avec distance, sang-froid, calcul. Jean-Pierre Melville refuse de laisser libre cours au sentimentalisme ou aux explosions de violence : ses fusillades sont brèves et brutales, ses cavales mécaniques, à l’image de Gustave abandonnant son compagnon de fuite sans lui dire un mot avant de s’allumer une cigarette, l’air de rien, assis dans le wagon de marchandise d’un train en marche.
Les personnages sont avant tout des gueules, des fortes têtes qu’on ne trompe pas comme ça, qui en ont déjà vu, et des pires. Le film s’achemine peu à peu vers l’abstraction qui constituera l’évolution esthétique de la carrière à venir du cinéaste ; nous assistons à un règlement de comptes qui prend l’aspect d’une transition, d’une mise en suspens du temps avant un renouveau. « On aborde un sacré tournant », entend-on au comptoir du bar. Le titre laisse entendre un écho au chef-d’œuvre de Jean-Luc Godard, sorti six ans plus tôt ; mais il n’indique plus l’agonie et la mort à venir, non au contraire c’est la renaissance symbolique d’un genre dont il est question, une renaissance abstraite dont Melville se fera le héraut.
Malgré quelques longueurs, Le Deuxième souffle reste une œuvre passionnante et mise en scène avec brio, s’appuyant sur des acteurs au sommet de leur art.