Succédant au flamboyant Le Jour de l'éclipse dans la filmographie du grand Sokourov Le Deuxième Cercle est une oeuvre exigeante et particulièrement ascétique : rarement le cinéaste russe aura atteint un tel niveau d'austérité, un tel niveau d'épure qu'avec cette élégie fictive. Tout semble porté sur le respect du deuil dans ce poème difficile, peu évident dans sa charge émotionnelle mais formellement superbe... Alexander Sokourov est de ces réalisateurs principalement visuels, capables de placer leur caméra dans l'angle idoine et à la distance adéquate ; la science du cadre du Deuxième Cercle est implacable, inventive en permanence en même temps qu'elle permet l'unité de la mise en scène. La photographie sépia de Alexander Burov, granuleuse voire charbonneuse, est magnifique.


Le Deuxième Cercle traite, sur le mode du passage, des difficultés qu'éprouve le protagoniste à faire le deuil de son père défunt. Pour traduire la lourdeur de cette pénible transition Sokourov opte pour une réalisation laborieuse, aux mouvements de caméra singulièrement lents, dans un espace calfeutré, exigu et encombré ; il écarte quasiment toute forme d'accompagnement musical, n'ayant recours à la voix mélodique qu'à la toute fin du métrage. Le film est sec, finalement assez peu émouvant mais joliment solennel, annonçant le merveilleux Mère et fils qui sortira quelques années plus tard ; ni tout à fait passionnante, ni tout à fait ennuyeuse cette oeuvre austère semble comme en dehors du Temps, dans un repaire d'Eternité au sein duquel le héros prosaïque veillerait sur son père comme s'il effectuait quelque prière ou quelque procession de foi : le Nostalghia de Tarkovski n'est pas loin, implicitement cité dans ce film dans lequel le cercueil remplace la bougie et la chambre mortuaire le bassin désaffecté...


Il reste comme un je-ne-sais-quoi de plomb dans la cervelle au sortir de ce film indiscutablement brillant dans sa forme mais parfois lassant et peu prodigue en termes de verbe et d'émotion. La maîtrise et l'homogénéité de la réalisation permettent toutefois l'adhésion de cette oeuvre un brin rébarbative au scénario plus que sommaire. C'est très beau in fine.

stebbins
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le 8 mai 2015

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