On le sent tout de suite, Romain Quirot a été biberonné à la culture cinématographique US, qu’il s’approprie et délivre avec une belle maîtrise technique dans un film pourtant si français, où l’aspect SF n’est au final qu’un vague prétexte pour une quête intérieure dans un décor post-apocalyptique.


Le Dernier Voyage a donc un scénario assez prévisible et quelque peu enfantin, en ça qu’il laisse de côté la raison et l’aspect scientifique pour se concentrer sur une vision plus onirique. Beaucoup de questions sont laissées en suspens et le film manque de crédibilité rationnelle sur de nombreux aspects. Mais pour peu que cela ne vous dérange pas, ce Voyage vaut le détour.


Déjà parce que c’est beau. L’univers n’est certes pas original, on retrouvera des références visuelles à toute une pléthore de films (Minority Report, Star Wars, Mad Max pour n’en citer que quelques-uns) mais ces références sont assimilées dans un tout cohérent. Le film joue à fond sur notre nostalgie des années 80, avec une esthétique saturée qui fait la part belle aux roses et bleus parmi la poussière et à la musique au synthé. Ici aussi le réalisateur mélange hit musicaux US et musique bien française, dans un mélange parfois surprenant, en décalage, mais habile. Pour en finir sur la partie visuelle, la majorité des effets spéciaux sont bons et utilisés à bon escients. De manière intelligente, le réalisateur a fait l’impasse sur certaines scènes (le crash de voiture) qui lui aurait certainement cramé son budget pour un résultat incertain.


Ensuite il y a les acteurs, leurs dialogues et leur alchimie entre eux. La jeune Lya Oussadit-Lessert, transfuge de la Nathalie Portman de Léon, s’illustre par sa prestation de jeune fille un peu perdue mais pas pessimiste. Hugo Becker et Paul Hamy, qui ont pas mal de films et séries à leurs actifs mais sont encore plutôt méconnus du grand public campent deux frères ennemis, séparés par la jalousie et le fatalisme, comme condamnés à s’affronter. Jean Reno est certes plus en retrait mais revient à ses grandes heures, où sa voix grave nous charme encore dans sa retenue. Et on n’oublie pas Philippe Katerine en présentateur à chemise hawaïenne, reflet absurde et boute-en-train d’un monde qui se meurt.


Pour moi le point faible reste le scénario et cette « fausse promesse » de SF. Sans être mauvais, c’est parfois trop simple et attendu à mon goût. Le film est tiré d’un court-métrage dont l’histoire, sur un format plus court, est peut-être plus pertinente. Quelques retournements de situations, moment de grâce ou surprise en arrière-plan (le congélo) dynamisent cependant suffisamment le récit pour qu’on reste captivé jusqu’au bout.


Avec Le Dernier Voyage, Romain Quirot fait preuve d’un excellent savoir-faire, d’une bonne direction d’acteur et d’une vraie direction artistique. Maintenant on attend des films avec un peu plus de profondeur et dont l’univers surpasse ses références pour devenir plus personnel. Un réalisateur français ambitieux à suivre assurément.

AlicePerron1
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le 29 mai 2021

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Alice Perron

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