Un moment succin qui dure, et dure, et crispe !



Le dernier duel de Ridley Scott est un poing en pleine face. Chaque scène rapproche le spectateur de ce moment éponyme, et délaisse peu à peu l'intrigue historique des gains et des conquêtes de bougons pour laisser flamber les valeurs bafouées de ces hommes promus de rang au prix du sang.


Ces hommes, qui se voient progressivement harponnés à la rudesse de l'acier trempé, au son fracas du devoir et de la pudeur, de l'estime à l'ardeur, du parjure à l'honneur. Chaque coup est porté pour tuer, pour écraser son rival.
Le rythme du film entier comme de cette scène est invraisemblablement infaillible, les mouvements exceptionnelement réalistes, si bien qu'on se retrouve à chercher dans ses souvenirs de cinéma un dénouement épique aussi peu édulcoré par les éléments de post-production pour un film de ce type.
On sent les os qui éclatent contre les murs et sous les montures qui s'écroulent, la peau qui se déchire sous le tranchant, la force émise dans les coups qui annoncent le glas à mesure que l'écuyer et le chambellan s'épuisent...


C'est juste hallucinant de justesse, le travail est spectaculaire, chaque élément est pensé pour rendre l'événement tangible jusqu'au concours de la brutalité amorcée par les personnages les plus dédaigneux (Adam Driver en Jacques le Gris et Ben Affleck en Pierre d'Alençon), face à celle du convaincu Jean de Carrouges (Matt Damon).
Les acteurs se dépassent dans leur rôle et font varier leur jeu selon le prisme des trois personnages principaux, sans jamais passer le cap de la satire; ils tiennent la bride de leur prestation, adoptent une posture qu'ils n'ont de cesse de nuancer pour correpondre à la vérité perçue de chacun, d'un même parjure.
Puis il y a l'instigatrice de ce duel, Margueritte de Carrouges, enclenchant la rancœur. Son interprête, Jodie Comer, dépeint avec une extrême justesse la misère sentimentale jusqu'à l'horreur charnelle, le dépit et le dégoût, l'épreuve émotionnelle de la femme acculée, privée de sa vertue, se risquant à la recherche de justice au péril de sa vie d'épouse et de bien plus encore.


La nouvelle pépite de Ridley Scott est une œuvre d'une rare intensité visuelle et narrative, et d'une qualité innatendue de mise en scène, qui laisse à songer aux thématiques puissantes révélées par les notions de statut, d'obéissance et de pouvoir.

AlbanGaultier
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le 13 oct. 2021

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Alban Gaultier

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