Les films historiques ne sont pas étrangers à Ridley Scott. Kingdom of Heaven, Robin des Bois ou encore l’oscarisé Gladiator, n’en sont que des exemples. Le dernier duel se veut cependant très différent de ses prédécesseurs. Inspiré d’une histoire vraie du XIV ème siècle, Le dernier duel de Ridley Scott est celui du dernier « duel judiciaire » français, opposant Jean de Carrouges et Jacques Le Gris. Plus qu’un simple combat à mort, c’est une véritable confrontation des points de vue sur fond de cause féminine.


Un crime originel


Contrairement à ce que peut laisser penser le titre, Le dernier duel n’est pas un film d’action. Certes les combats sont impressionnants et violents mais sont finalement peu présents à l’écran. Pour cause, la narration repose sur un crime, en l’occurrence le viol de Marguerite (Jodie Comer) par Jacques Le Gris (Adam Driver). Le mari de la victime, Jean de Carrouges (Matt Damon), invoque alors le jugement divin en réclamant un « duel judiciaire » afin de déterminer le parti digne de confiance.
Le dernier duel n’est pas pour autant une enquête criminelle, le film traite de politique, de mariage, de famille et de religion. Autant d’éléments permettant d’établir et de comprendre le contexte du viol, le tout dans un environnement convaincant. La musique, les costumes et les effets spéciaux permettent en effet une immersion totale, dans un moyen âge morne, froid et dominé par l’Eglise.


Le spectateur, véritable juge


Le dernier duel a une particularité : les mêmes scènes sont rejouées 3 fois mais selon les différents points de vue des personnages principaux. Ce type de narration, appelé « effet Rashõmon » en hommage au film éponyme de Kurosawa, permet d’exposer un événement, interprété de manière contradictoire par plusieurs individus. Là où le film devient notable, c’est qu’aucun des témoignages n’est mensonger, ces scènes qui aboutissent au viol montrent à chaque fois la réalité vue par chacun. La perception des faits des personnages se joue alors dans la nuance et les détails. La mise en scène est donc cruciale et différente à chaque fois. La caméra va zoomer sur d’autres éléments, s’attarder sur certains dialogues, en rajouter quelques-uns, permettant ainsi de varier le ressenti des événements pour chacun des personnages. Au-delà des évènements, c’est aussi le décalage entre le personnage lui-même et comment il se perçoit.
Ce schéma narratif permet ainsi aux 3 versions de se compléter cependant certains y trouveront de la répétition, les variations sont certes subtiles mais elles n’apportent finalement que peu de contradiction.


Une époque révolue, des problématiques actuelles


Ridley Scott prend largement parti pour les droits des femmes avec Le dernier duel. Une position assumée, en témoigne le début du chapitre 3, relatif au point de vue de Marguerite, qui est introduit avec le titre « The truth ». Le film dénonce subtilement sans être moralisateur. Il révèle un système archaïque, dominé par l’Eglise, où la femme est limitée à l’enfantement et au travail domestique.
Mais la cause première de Marguerite est avant tout de se faire entendre et de ne pas garder le silence. Cependant, l’absence de preuve disqualifie souvent toute version de vérité, un manque de confiance envers les victimes qui fait écho à notre actualité. A cela s’ajoute la pression sociale exercée en faveur de la clôture du débat, briser le silence est souvent associé à un sentiment de culpabilité, celui de déstabiliser l’ordre établi. Chez Marguerite cette pression sociale est symbolisée par sa belle-mère mais elle s’en affranchie au péril de sa vie. Mais revendiquer la vérité a-t-elle vraiment un sens dans une société qui s’en remet à Dieu ?


Par le choix des sujets abordés, Le dernier duel est sans conteste un film contemporain. Il questionne le monde d’aujourd’hui, sans pour autant dénaturer l’Histoire. Une histoire qui ne se limite pas aux faits mais à la subjectivité de la perception de chacun.

MaximeGontier
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le 3 nov. 2021

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