Pour connaître le nombre d'illettrés, jadis, il y avait le service militaire, l'armée...

Pour connaître le nombre d'illettrés, jadis, il y avait le service militaire, l'armée... Aujourd'hui, il y a fesse-bouc !

Film dont on peut dire que les critiques sont très controversées...

Pas très surprenant, il a fallu que je le revoie moi-même pou en apprécier toutes les subtilités et les analyses psychologiques qu'il développe ,et qui m'ont échappé un peu à la première projection...

En effet, on s'attache alors plutôt à l'action, en se désolant qu'elle se déroule dans le huis-clos d'un centre pénitentiaire militaire de haute sécurité appelé « le Château » Dirigé par le colonel Winter (admirable James Gandolfiniqui, auto-suffisant à souhaits, et qui a de plus un physique donnant envie de lui taper dessus....). Château ? En réalité une ancienne prison d'État de Nashville dans le Tennessee, fermée en 1992 et ayant incarcéré des individus aussi dangereux que l'assassin de Martin Luther King : James Earl Ray... On a beau dire, les murs semblent imbibés de la triste destination de cette taule et la laisser transpirer dans le film... Curieuse ambiance de cimetière que j'ai ressentie lors de pélerinages dans le village-martyr d'Oradour sur Glane et qui vous glace le sang...

Coup d’œil dans le rétro :

Le centre accueille un invité de marque : le Général Irwin de l'US Army ayant plaidé coupable en cour martiale en tant que responsable de la mort de huit de ses soldats, et condamné à dix ans de prison. Grandeur et déchéance : une des premières analyses de ce récit, rôle admirablement dirigé par un Robert Redford qui n'a pas hésité à jouer à contre-emploi cette composition d'homme tombé de son piédestal...

Il est accueilli par un colonel, directeur de prison plutôt bienveillant au départ et admiratif de son prisonnier... Entre hommes du même monde...

Second aspect analytique : la lutte des classes entre les actifs et les rampants d'un groupe... Dans l'armée de terre, les chars qui vont au front ont plus de considération que ceux responsables de l'intendance de leurs obus... Même différence de caste dans l'armée de l'air où le personnel navigant (PN) constitue l'élite , par rapport aux rampants non navigants (PNNSG) cloués eux au sol, et ne pilotant pas avec une seule exception, les mécanos sur qui la vie des aviateurs repose... Mais dans bien d'autres secteurs extra-militaires se joue cette forme de lutte de classes : comme dans le ferroviaire où les mécaniciens de locomotives n'étaient pas surnommés "Sénateurs du Rail" pour rien, et suscitant le respect mais aussi la peur (des grèves) mais l'admiration au regard d'un mode de vie différent des autres, des dangers d'y laisser sa peau (risques d'accidents, ou pouvant amener à être descendus à vie de machines pour exercer des tâches d'entretien subalternes !

Irwin crée d'emblée et volontairement revancharde une discrimination entre sa propre attitude héroïque au front, et celle d'un officier bureaucrate et prétentieux n'ayant jamais risqué sa vie pour la patrie...

Pire, en collectionnant des objets militaires pour "jouer à la petite guéguerre aux soldats de plomb. Qu'importe le parfum pourvu qu'on ait l'ivresse ?

Quatrième étude sociologique : la haine qui va s'installer entre les deux hommes et la lutte de caractères autoritaires qui va s'ensuivre.

Le soumis va-t-il réussir à inverser les rôles par rapport à un incapable à la grosse tête ?

Pour se donner une importance qu'il n'a pas glanée dans des combats, Winter mène sa prison d'une poigne d'acier, en faisant peu de cas du règlement pénitentiaire... Dès que les sirènes retentissent, à la moindre alerte, les prisonniers doivent s'allonger par terre sinon ils sont assassinés depuis le mirador...

Le colonel Winter bénéficiant lui de l'autorité suprême ,va vouloir"se faire" ce général qui l'a humilié...

En lui pourrissant la vie à chaque instant devant les autres, et en lui faisant vivre un enfer permanent confinant au harcèlement sadique.. On aborde ce cinquième aspect psychologique qui est celui de l'abus de position dominante. Qui s'exerce ou s'exerçait à profusion dans l'armée de grand-papa quelle que soit sa nationalité.

J'ai ainsi vu un petit caporal chef de chambrée à Orléans, faire nettoyer trois fois et le même jour et à fond murs, plafond et sols par les appelés qui y vivaient, le tout assorti d'une revue de paquetage. La peinture n'y a pas résisté

Tout ceci par plaisir personnel d'assouvir une jouissive autorité , et sans pourtant qu'un ordre en rapport n'ait émané de sa hiérarchie... Sadisme désapprouvé d'ailleurs par les autres cabots... Jouiissance des faibles : abuser de la petite autorité qui leur est concédée. Qui n'a vécu ça dans la vie de tous les jours ?

Conséquence inattendue : Irwin va subir cette avalanche de brimades sans chercher à bénéficier de son ancienne considération hiérarchique, sans protester, sans se plaindre, et en se confondant à tous les autres prisonniers sans distinction d'ancien grade. Ce qui va peu à peu en faire un homme considéré et respecté de tous les autres. Nouvelle analyse psycho-sociologique : la capacité d'un homme à s'adapter à son nouvel environnement socio-psychologique est un facteur d'intégration dans un groupe que nombre d'ethnies n'ont pas encore compris mais au contraire la refusent...

On retrouve enfin la lutte de David contre Goliath : le général anéanti un temps va relever la tête poussé par ses troupes qui reconnaissent en lui un chef plébiscité par le peuple cette fois-ci, et non désigné par la grande muette. Il va se dresser contre le tortionnaire de la prison au point de voir les geôliers rallier les prisonniers qu'ils tuent pour rien; et se mutiner contre un directeur ayant perdu toute forme d'humanité par orgueil personnel et souci d'arrivisme.

Nouvel aspect de l'analyse : l'autorité, le pouvoir, sont des drogues qui peuvent ruiner la vie de ceux qu se croient devenus invincibles. L'autorité peut vous être attribuée, mais peut aussi rapidement être retirée, d'où un sentiment de frustration à venir, conduisant aux crimes et exactions aveugles...

Je termine avec cette constatation : si vous devez faire pactiser ensemble des gens qui se haïssent, faîtes leur construire un mur ensemble ! Ils vont finir par devenir complices d'un projet commun et par devoir pactiser pour remplir l'objectif fixé.

Ici, cet objectif, c'est la patrie et surtout son emblème : le drapeau US volé et caché par les prisonniers qu'au terme de leur mutinerie, ils vont confier au général Irwin pour le hisser sur un mât, au milieu de la cour de la prison. Tout un symbole sous le feu du mirador commandé par le colonel déchu... Le général condamné tombé de son piédestal redevient un héros martyr tombant sous les balles pour un drapeau comme dans la Révolution française celui de cette résistante arborant un drapeau tricolore : l'homme peut se transcender et susciter l'admiration aussi respectueuse qu'unanime... Dieu changeait bien l'eau en vin : pas étonnant qu'il ait eu douze personnes qui le suivaient !

Le scénario aurait pu être très porteur, trop peut-être pour ne pas faire peur à un réalisateur rodé à ce type d'aventure... Le trouver a été ardu. En définitive, c'est l'israélien Rod Lurie (1962/---) qui qui s'y est collé pour ses excellentes connaissances de l'univers de l'armée, diplômé de l'académie militaire de West Point. Militaire mais peut-être pas assez romancier ou psychologue ?

C'est le quatrième de ses neuf films réalisés entre 1998 et 2020 dont aucun n'a connu la gloire. Ce film est bon, très bon même, mais il lui manque cette petite étincelle de génie qui caractérise un spectacle dont on se souvient. Même si ici, tous les effets spéciaux, tout le déroulement spectaculaire du récit ne prêtent pas à critique ou budget restreint.

Un metteur en scène plus enclin à la philosophie humanitaire eut magnifié ce scénario dont à titre d'exemple, aucune femme n'est présente, enfin presque. Un film d'hommes, de brutes comme la guerre les fait devenir : féroves machines à tuer dont peu sortent intacts.

Malgré mes recherches, souvent avortées par des cookies que je réfute, je ne suis pas parvenu à m'expliquer la raison des rares 2 592 spectateurs du box-office français de ce film...

Pas distribué en France ? Limité aux DVD ? Toutes explications à ce sujet bienvenues. Le titre et l'affiche n'étaient pas très racoleurs non plus... Film malheureusement passé inaperçu mais qui vieillit bien pour peu qu'on s'y attarde à nouveau... Les critiques de spectateurs de mon FAI sont de 6/10.

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Paris 1° le 07.03.2024-

270345
7
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le 16 mars 2024

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