Avant de commencer, promettez-moi de ne plus jamais porter de blouson de toute votre vie? Jean Dujardin ne va pas bien. Pourtant avec sa veste en daim fraichement acquise, une nouvelle vie joyeuse s’offrait à lui. Le destin l’a décidé autrement. Bienvenue dans les Pyrénées à la découvert d’une histoire pas comme les autres signées Quentin Dupieux. Les français peuvent avoir des idées originales. Preuve en est avec Le daim.


Un OVNI Français sentant bon les seventies et le Daim


Terminé la veste en velours jetée dans la cuvette des toilettes d'une station service. Pour George, c'est le début d'une nouvelle vie qui commence avec sa jolie veste en daim vintage, sans doute portée par il y a des années par Davy Crockett. Elle a certes coutée 7700 euros, il ne lui manque pas une seule frange ! Cette veste unique et authentique fabriquée en Italie va avoir droit à une seconde vie.


George s’en moque si la mode est passée, il portera cette veste comme une seconde peau, en prendra soin comme une mère prend soin de son enfant. George n’a pas perdu sa journée : le vendeur de la veste lui a fait un petit cadeau commercial. Non seulement George vient d’acquérir le blouson de ses rêves, mais en bonus, il reçoit un caméscope numérique quasi neuf, comme s’il sortait de l’usine. Je peux vous dire qu’il a pas perdu sa journée le George au cœur en joie ! Et vous qui semblez septique quant à l’utilité de regarder ce film pour le moment étrange, aux couleurs pâles vieillottes des décors en osmose avec la veste en daim et cette petite musique elle aussi étrange nous avertissant du genre d’œuvre dans laquelle nous allons évoluer, vous allez être surpris.


L’aventure commence pour George et vous, spectateur curieux ayant été intrigué par le résumé énigmatique et très court de ce film signé Quentin Dupieux. Ce réalisateur, je n’ai jamais vu une seule de ses œuvres. La légende dirait que sa marque de fabrique est l’absurdité. Quand c’est bien fait et bien conté, je suis preneur ! Qui plus est quand un de mes acteurs préférés est en tête d’affiche. Le daim est donc mon film « baptême ». Jean Dujardin a fait un sacré chemin depuis « Un gars et une fille » et avec ce film digne de figurer dans la liste des « plaisirs coupables » que je vais vous présenter, on ne peut qu’applaudir l’audace dont il fait preuve.


Nous sommes dans les Pyrénées, nous arrêtant dans un château-hôtel d’un petit village tout tranquille pour un petit mois minimum. George veut être seul avec sa veste en daim et teste son petit caméscope numérique. Nous venons de l’apprendre,


ce pauvre homme vient d’être largué par sa femme


. Il l’a mauvaise le George. Au lieu de pleurer sur son sort, de picoler ou pire encore, il se rabat sur sa veste. Elle le rassure. On a un peu de la peine pour notre George mais pas pour très longtemps. Le George, il est du genre bizarre et imprévisible même si un brin maladroit et pas très futé en improvisation.


Faut dire que la souffrance de la solitude nous fait faire parfois des choses improbables. Quelle idée a eu l’ancien proprio de la veste que de donner à un instable une caméra numérique ? Cet objet n’était qu’un leurre destiné à pousser petit à petit dans la folie notre héros influencé par tout un tas de personnage


complices malgré eux


et dont il fera la connaissance lors de cette première partie : le vendeur de blouson, une cliente d’un bar, une barmaid apprentie monteuse, et des candidats participant au film de George. Tous ses gens lui donnent sans le vouloir des idées (t’arrête de regarder cette veste ?!).


Utiliser un caméscope, pour George, c’est une première. N’est pas Quentin Tarantino qui veut ! Sauf que George, c’est un autodidacte, il apprend en bouquinant, et quitte à démarrer une nouvelle vie avec sa veste,


pourquoi ne pas aller jusqu’à s’inventer une nouvelle personnalité en s’improvisant cinéaste ?


Ne vous moquez pas et arrêtez de regarder d’un air moqueur sa veste !


En galère d’argent, George se sert de l’idée de tournage de film plus de la naïveté de Denise, jeune barmaid, pour « délester » à cette dernière un peu de sous. Non seulement ça va lui permettre d’aller plus loin dans la complétude de son nouveau look (pour avoir un style de malade), mais en plus il pourra être nourri, logé, blanchi.


V’la ti pas qu’en moins de 30minutes,


notre George commence à faire parler sa veste


. Sa veste en daim, elle est capable de le réveiller en pleine nuit, elle veut lui faire faire des trucs pas très catholiques parce qu’elle a un rêve. Son rêve le plus cher (à la veste pas à George) :


être le seul blouson au monde. Oui, vous avez bien entendu, jetez tout de suite vos manteaux et blousons avant que George et sa veste ne débarquent.


Au fait ? De quoi va parler ce film que George réalise?


Faux documentaire sur ce blouson en daim? Va pour le faux documentaire sur le blouson.


Poussé dans le délire de Denise persuadée


d’avoir affaire à un vrai cinéaste


, George, lentement, mais surement, va réaliser un faux documentaire pour le moins…vrai et dérangeant. Celles et ceux portant des blousons n’empêcheront pas lui et sa veste de réaliser leur rêve. Surtout pas ce sale gosse nous suivant à tous les coins de rues. Y en a un qui va se prendre un parpaing dans la tête moi j’vous l’dis !


N’ayez pas peur, nous ne sommes pas dans le remake français de « Maniac ». Le daim est étrange, opte pour du comique de situations, des dialogues simplistes et naïfs, montre les dégâts de la solitude sur l'esprit. Ce film résume la folie d'un homme ayant tout perdu, allant jusqu'à faire parler son blouson pour se trouver un nouveau but dans la vie. La première partie est lente et monotone, pose les bases, creuse petit à petit son personnage tout en avançant pas à pas dans le malaise et l’incompréhension. Dès la seconde moitié, Le daim s’essaye au vieux slasher à l’ancienne très inspiré. Le festival du gore et du déjanté s'ouvre avec de l'humour noir. Pas d’effusions de sang (sauf les giclées sur notre héros) et de corps en charpies, Le daim fait dans le soft, l’édulcoré, le suggéré (hormis une scène furtive) sinon il ne serait pas « tout public ». Vous avez bien compris que Quentin Dupieux se sert de « la veste » comme d’une métaphore ? A vous de plonger dans ce film pour y saisir toutes ses subtilités.



Vous voulez bien m’aider à réaliser mon rêve ?



Au final, Le Daim est un OVNI, un petit plaisir coupable grâce à son originalité et sa subtilité. Aidé par un Jean Dujardin et une Adèle Haenel géniaux, d’une histoire hypnotisante, intelligente, accessible et curieuse de minutes en minutes, de scènes absurdes tordantes, d’une mise en scène soignée, d’une bande originale et d’une image typiquement vintage comme sa veste, ce film prouve que le cinéma français peut, à condition de choisir un réalisateur créatif, nous offrir de belles perles. Allez-vous accepter de poursuivre jusqu’au bout la mission de George et sa veste ?

Jay77
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le 18 févr. 2020

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