Le Chardonneret s'annonçait comme l'un des projets les plus ambitieux de cette année: l'adaptation all-stars du pavé vaporeux de Donna Tartt, auteure à la voix si singulière, mélancolique et violente, souffreteuse et abyssale. Le film de John Crowley en est une adaptation plus que fidèle et plus que réussie, qui ne ménage aucunement le spectateur. Tout est fait pour traduire la confusion lancinante d'un jeune homme dont les repères divaguent: le montage embrouillé est loin d'être, comme certains le pensent, le sfumato derrière lequel se réfugient ceux dont les oeuvres ont pris le dessus sur eux, mais un calibrage d'une précision extrême.


Tout le long du film, on a l'impession de voir un chef-d'oeuvre oublié - et un peu volé - du Nouvel Hollywood, aux personnages bourgeois empruntés aux derniers Hitchcock, et aux orfèvres de l'émotion style Kramer v Kramer, mais au ton profondément européen, à la mélodie mélancolique proustiennne.


Le Chardonneret parle d'art. Comment l'art qui a pris la vie de la mère de Theo (tuée dans un musée) le fera revivre (grâce au Chardonneret) et vivre (son futur métier d'antiquaire). Comment dans la mort, l'art ne sert plus à rien. Comment il réconforte et comment il désespère. Comment il est salvateur et destructeur.


Saluons le courage de l'entreprise et le talent des acteurs du projets, à commencer par les comédiens: Ansel Egort, impeccable réminiscence de Jean Pierre Léaud, le fabuleux duo d'Oakes Fegley et Finn Wolfhard, mon papa adoptif Jeffrey Wright.


La composition déchirante de Trevor Gureckis dont le thème principal, au générique m'a secoué.


La réalisation sobre et élégante de Crowley est un ingrédient majeur de l'atmosphère contenue, à l'image du tableau de Fabritius, dignité de l'errant, idéal de liberté.


Mais peut-on parler du Chardonneret sans mentionner le véritable faiseur du film, l'inimitable DP Deakins, sublimateur de chaque instant, fabricant de beauté, profession: génie, qui ressucite l'émotion par l'esthétique. Juste revoir cette photographie aussi simple et belle que deux jeunes garçons tenant un parapluie noir sous le soleil brûlant de la Californie.

Créée

le 4 déc. 2019

Critique lue 937 fois

5 j'aime

Nathan_E-B

Écrit par

Critique lue 937 fois

5

D'autres avis sur Le Chardonneret

Le Chardonneret
JorikVesperhaven
7

Une adaptation classique, voire académique, qui n’en demeure pas moins attachante et plaisante.

Difficile de prime abord de comprendre pourquoi cette adaptation d’un récent prix Pulitzer (qui récompense un roman américain de qualité), ait été à ce point conspué lors du dernier festival...

le 20 sept. 2019

11 j'aime

1

Le Chardonneret
Fêtons_le_cinéma
8

L'art comme conservatoire atemporel de solitude

La très grande force du Chardonneret est de parvenir à croiser les deux trajectoires pourtant opposées de l’art : d’une part sa dimension transitoire, tout entière incarnée par les tribulations d’un...

le 13 sept. 2019

9 j'aime

1

Le Chardonneret
DavidRumeaux
4

Le chardonneret !

Vainqueur du prix Pulitzer en 2014, Le Chardonneret est surement un trés bon roman. Mais ce film, lui, m'a copieusement emmerdé... Theo Decker a vu sa mére mourir lors d'un attentat lorsqu'il avait...

le 18 sept. 2019

8 j'aime

Du même critique

Le Chardonneret
Nathan_E-B
8

Rentrer dans l'errant

Le Chardonneret s'annonçait comme l'un des projets les plus ambitieux de cette année: l'adaptation all-stars du pavé vaporeux de Donna Tartt, auteure à la voix si singulière, mélancolique et...

le 4 déc. 2019

5 j'aime

Voyage of Time - Au fil de la vie
Nathan_E-B
5

Considérations métaphysiques

C'est normal que je me sente coupable? Qu'on se comprenne bien: Terrence Malick est sans doute le plus grand poète américain du XXIe, si ce n'est de tous les temps. Ses films transpirent d'une...

le 22 août 2017

5 j'aime

3

American Psycho
Nathan_E-B
7

Aujourd'hui le thème du Patty Winters Show est:...(complétez)

American Psycho est le genre de roman que vous ne lâcherez pas pendant 3 jours, pour qu'il ne vous lâche plus pendant 3 semaines. Il provoque une terreur comparable à celle du Loup de Wall St (dont...

le 10 avr. 2017

4 j'aime

2