Jeune « Oreille d’or » chargé de reconnaître à l’oreille tous les sons environnants, Chanteraide (François Civil) porte une responsabilité énorme sur un sous-marin nucléaire : toutes les décisions du commandant peuvent dépendre de son analyse des sons. Lorsqu’il met en danger son équipage lors d’une mission au large de la Syrie, il tombe en disgrâce auprès de ses supérieurs. Pourtant, il est sûr d’avoir analysé correctement le son mystérieux qu’on l’accuse d’avoir mal identifié. Et s’il a raison, le monde court un grave danger…


Il y a deux pans du cinéma français aujourd’hui : les films qui ont du succès, et les bons films. S’il arrive, fort heureusement, que ces deux catégories se mélangent, on pourra tout de même regretter que l’image du cinéma français des années 2010 ne se résument en termes de box-office qu’à des comédies plus ou moins drôles telles que Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, Intouchables, Les Nouvelles Aventures d’Aladin, et autres Tuche de sinistre mémoire…
Il y a fort à parier que sur le long terme, l’image que l’on retiendra du cinéma français de cette époque sera en réalité celle de films plus discret, qui ont su s’assurer une part minimum de succès sans briller comme les comédies mentionnées ci-dessus, des films tels qu’Au revoir là-haut, Marguerite, Edmond, etc… Gageons que Le Chant du loup appartiendra à cette dernière catégorie.


Il a en effet tout pour y appartenir, tant son réalisateur Antonin Baudry, dont c’est le premier film, a mis toutes les chances de son côté. En effet, Le Chant du loup fait figure de véritable claque, une claque qui détonne dans le paysage du cinéma français contemporain. S’appuyant sur des techniciens de grand talent, dont beaucoup ont fait leurs armes sur des films américains tels que La Ligne rouge, Taken, Mission Impossible : Fallout (pour ne citer que les plus fiables), Le Chant du loup est avant tout un film à suspense terriblement efficace.
De fait, grâce à une photographie solide de Pierre Cottereau, qui met parfaitement en valeur la majesté de ces véhicules aussi grandioses qu’effrayants que sont les sous-marins, Antonin Baudry donne à son spectacle une véritable ampleur qu’on avait rarement vue dans un film français.


S’essayant au genre si complexe du thriller militaire, Le Chant du loup aurait de quoi rebuter, tant il se plaît, par souci de réalisme, à multiplier les scènes et les dialogues techniques, remplis d’un jargon de sous-marinier parfois abscons.
Pourtant, la fluidité du montage et de la mise en scène nous maintient littéralement scotché à l’écran pendant toute la durée du film, tant les enjeux dramatiques mis en place, s’ils ne sont pas forcément, eux, du plus grand réalisme, se jouent autant sur le plan géopolitique que sur le plan humain, ne pouvant que captiver l’attention du spectateur le moins volontaire.
De fait, Antonin Baudry montre par une écriture intelligente des personnages qu’il a parfaitement compris la marine et les relations qu’y entretiennent les hommes, sa description de la hiérarchie, ferme et inflexible mais compréhensive et humaine, se révélant particulièrement juste, et ce d'autant plus que les acteurs qui incarnent les différents personnages sont unanimement excellents (François Civil, Omar Sy, Reda Kateb, et Mathieu Kassovitz... excusez du peu !).


A cette image, la description de l’univers des sous-marins, constamment partagé entre des moments de détente et de tension extrême, se révèle d’un étonnant réalisme, autant que les décors, évidemment reconstitués, mais de manière incroyablement fidèle à la réalité.
Il faut ajouter à cela un incroyable travail sur le son, ce qui n’est guère étonnant quand on sait que le mixage sonore a été effectué au Skywalker Ranch de George Lucas, sous la direction de Randy Thom, un géant dans le domaine (qui a œuvré sur Star Wars, Apocalypse Now, Starship Troopers ou encore Harry Potter).
C’est ce travail titanesque sur la forme qui permet une immersion totale (sans mauvais jeux de mots) du spectateur dans le récit, malgré quelques apparentes invraisemblances qui ne gênent guère l’intrigue globale du film. En effet, convaincant autant sur le plan visuel que sur le plan narratif, Le Chant du loup s’avère une bien trop belle proposition de cinéma pour qu’on s’autorise à faire la fine bouche sur quelques défauts très mineurs (dont une romance inutile).
Sans compter qu’Antonin Baudry s’offre même le luxe de faire réfléchir son spectateur sur les grands enjeux géopolitiques du monde contemporain, et du rôle de la dissuasion nucléaire, dont la fonction est justement – c’est bien le sens du mot « dissuasion » – d’éviter de nous trouver confronté à une situation pareille.


Remarquablement divertissant autant qu’intelligent et profond, Le Chant du loup fait donc partie de cette catégorie si unique et si rare de films qui deviennent instantanément cultes à la première vision. Et l’on espère bien que, dans 50 ans, lorsqu’on parlera du cinéma français des années 2010, c’est bien au Chant du loup que l’on pensera en premier…

Tonto
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le 1 mars 2019

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Tonto

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