Un véritable chef d'oeuvre d'implacabilité au travers duquel la mise en scène melvillienne ne laisse que très peu de place au hasard et aux vicissitudes de tournage. Présenté comme un opéra tragique de tonalité tour à tour austère et rigoureuse Le Cercle Rouge constitue l'un des grands sommets de l'Oeuvre de Jean-Pierre Melville : précision paroxystique de la réalisation, photographie hivernale du grand Henri Decaë ( déjà responsable des froideurs bleutées du superbe Samouraï tourné trois ans plus tôt ), scénario solide et ambitieux et quatuor de stars de haute voltige !
Entre le charisme taciturne de Alain Delon, l'élégance de Montand, l'étrange sympathie de Gian Maria Volonte et la prestation pittoresque de Bourvil le casting du Cercle Rouge promet quelques-unes des confrontations les plus fascinantes du cinéma français des années 60-70 ; en outre l'économie du verbe permet de mettre en valeur le découpage et de mieux rythmer l'ensemble du métrage, régi en grande partie par un suspense sous-tendu par un usage prodigieux du silence.
Chez Melville les héros et/ou antihéros vont typiquement à l'essentiel de leur objectif ; réglées comme autant de mécaniques parfaitement huilées, taiseuses et froides dans leurs agissements les figures développées par le réalisateur évoquent immanquablement celles sublimées par son contemporain Sergio Leone. Accordant un soin tout particulier à l’élasticité temporelle le cinéaste français est en quelque sorte au polar des trente glorieuses ce que l'auteur de la trilogie du dollar est au western spaghetti : un instigateur anticonformiste doublé d'un démiurge réinventant tout un pan de la mythologie cinématographique du genre. En un mot comme en cent Le Cercle Rouge est un incontournable du Septième Art, un sommet de maîtrise technique et stylistique réservant entre autres choses l'une des séquences de cambriolage les plus sidérantes du polar made in France : à voir et à revoir absolument.