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Juan Antonio Bayona revient avec un film jumeau de son catastrophique (au sens littéral comme au figuré) The Impossible. L'escroquerie commence de la même manière, avec l'argument "basé sur une histoire vraie" érigé en porte-étendard d'une forme de sincérité. D'autres procédés pathétiques d'inspiration similaire viennent déjà en rajouter une couche, telles ces citations en écriteaux des noms des victimes affichées en même temps que défilent leurs cadavres à l'écran.


Bien loin de déboucher sur une supposée immersion du spectateur, cette démarche révèle toute sa roublardise crasse en regard du spectacle édifiant qui va suivre. Car il est grand temps de révéler l'arnaque Bayona, maître contemporain de l'esbroufe et artisan secret d'une forme de torture porn vide de sens.


Lorsque Bayona multiplie jusqu'à la nausée les plans rapprochés de corps et visages crevassés, tuméfiés, ce n'est pas pour provoquer une quelconque empathie ou capter une émotion souterraine. Il ne s'agit ni plus ni moins que d'une rhétorique du choc toute entière destinée à exposer un musée des horreurs impudique, programme déjà à l'œuvre dans Impossible.


Bayona ne fait pas exister des personnages, seule l'intéresse la sidération provoquée par les différents maux dont sont victimes ses pantins désarticulés. La surutilisation grotesque du grand angulaire est à cet égard révélatrice. En lieu et place d'un gros plan standard, il est capital de déformer plus encore, amplifier, grossir l'amas de chair jeté en pâture à la face du spectateur. Il ne faudrait surtout pas, grand Dieu, faire montre de la moindre étincelle de sensibilité.


Parlant de Dieu, il semble que l'unique obsession de Bayona soit d'exprimer une sorte de transcendance dans la douleur. C'est en tout cas la seule piste plausible devant ce défilé d'icônes christiques en souffrance, de martyrs scrutant le ciel d'un air transfiguré, qui feraient passer les gros plans d'Elizabeth Moss dans The Handmaid's Tale pour un parangon de subtilité.


Jamais le sujet ne sera réellement traité, en témoigne le dédain de son cadre naturel lui-même jamais personnage à part entière du récit comme dans les meilleurs représentants du survival movie. En délaissant tout rapport concret de ses figures humaines à leur environnement (il ne suffit pas d'une micro-avalanche ou de répéter soixante fois le même plan au drone pour créer un semblant de vertige...), Bayona échoue volontairement à exprimer tout propos métaphysique ou philosophique d'ordinaire attenant à ce type de film. Et ne cherche certainement pas à exalter le courage des survivants sous la forme d'un prétendu hommage, annoncé par la pitoyable mise en condition publicitaire du générique.


L'utilisation abusive d'un score dégoulinant venant surligner le moindre micro-évènement comme s'il s'agissait d'un incroyable twist, ainsi qu'une voix-off qui se présente comme une sorte de caricature d'une déjà auto-caricature de Terrence Malick, achèveront de provoquer le fou rire nerveux. A éviter.

RobinTholet
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le 18 janv. 2024

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