Edgar Wright est le roi du cool. Il met depuis ses débuts toute sa maestria au service de la procuration immédiate d’un sentiment de « coolitude», de « jouissance » chez le spectateur.


Ses films sont remplis de signifiants cools, de personnages funs et charismatiques, de rythme effréné, de références qui séduiront les cinéphiles et de genre appréciés par les ados/geeks/majorité des spectateurs (film de zombie, film de menace alien, policier-complot, romantique, braquage).


On est jamais en terrain perdu avec Wright et sa maestria éblouit l’adolescent qui sommeille en nous. Il fait un cinéma qui caresse le cinéphile/ geek dans le sens du poil. On est jamais déstabilisé, jamais mal à l’aise, on doute jamais, on est juste en kiff le moment présent.


Après voilà, ce n’est que ça. Ses films ne développent rien d’autres. Dès qu’un film commence à rentrer sérieusement dans un sujet (gérer son deuil amoureux, la nostalgie du temps passé entre amis), le film comme un phobique qui aurait peur du réel, évite de traiter son sujet, se met à le fuir et le film se lance dans l’éxécution kiffante de son genre. Par ex, Scott Pilgrim, dès que ca commence à parler du deuil amoureux, de quelque chose qui commence à être profond, touchant et complexe BAM les ex de Ramona arrivent à la chaine et là on se tape une succession de combats non stops qui sont cools hein mais qui fait que finalement on aura jamais ressenti une émotion forte autre que la jouissance comme si le réalisateur était incapable de nous procurer autre chose que du kiff. On sera juste bon à faire fonctionner à posteriori la métaphore « il doit vaincre le passé de Ramona, ses fantômes (par le biais de combats avec ses ex) pour qu’elle puisse construire son présent avec lui ». Une fois la métaphore dite, on aura rien ressenti de tout ça durant le visionnage ni abordé frontalement ses sujets. Et sur tous les films de Wright c’est comme ca.


Baby Driver a cette force, qu’il s’emmerde pas vraiment à nous faire croire que ca va être autre chose qu’un rail de plaisir immédiat. Par ex, l’histoire d’amour, c’est quelques dialogues dans un diner (mec cool-serveuse-diner), ca matche très vite, ils sont vite amoureux, on voit très vite que cette femme est un prétexte à créer un enjeu de tension pour le spectateur quand elle sera en danger… Prétexte doudou par ailleurs de la princesse à sauver… mais voilà ca me va car on insiste pas sur ca pour te couper l’herbe sous le pied une fois que ca commence à devenir intéressant. Puis le personnage de Baby driver est juste une belle enveloppe vide et très iconique (un pur personnage iconique que j’aurais aimé avoir en figurine plus jeune) et ca me va bien. On en prend plein la vue dans les scènes d’actions grâce à sa maestria visuelle/sonore et c’est seulement ce qui compte et tant mieux.


J’étais donc un peu curieux de voir Last night in soho qui avait l’air d’être plus un coté thriller avec une femme héroïne, chose unique dans son cinéma sans femme qui s’adressait avant tout à des garçons ados. Un cinéma où les persos féminins n’existent pas (sauf ramona flowers de scott pilgrim), elles ne sont qu’un but final à atteindre, dans des films de mecs/ bande de potes. Je pense vraiment que c’est pas un hasard que ca dit quelque chose de l’auteur Wright cette absence de femmes dans son cinéma et le fait qu’elles soient juste des buts à atteindre. C’est pas un défaut, ca dit quelque chose de lui qui m’intéresse.


Bref, qu’est ce que donne Last night in soho ?


Déjà, il faut dire que c’est ultra référencé mais que finalement ce ne sont que des clins d’œil qui caressent le spectateur tant le film est lisse. Argento, De Palma, les giallo j’adore. C’est un cinéma qui m’a beaucoup parlé ado/jeune adulte. Regarder ces films, ca raconte quelque chose de leur auteurs, de leur époque, de leur manière de regarder les femmes, tantôt voyeur tantôt malsaine mais toujours pleine de désir sexuel. Le regard d’argento sur les femmes, celui de fulci sur les corps putréfiés sont des regards fascinés, désirants, obsédés… ca me fascine. Argento, De Palma, Polanski pour parler d’eux ont des histoires personnelles fortes dans une époque compliquée… ca explique leur manière de filmer leurs persos. Wright semble être un gentil enfant tout lisse qui a grandi dans les années 80 dans sa chambre avec ses jouets et des films pour gosses cultes de cette époque, qui a jamais rien vécu… c’est très lisse, ca n’a plus rien à voir. On notera que son top 40 films est celui de n’importe quel ado qui commence le cinéma.


Pour revenir au film, refaire des plans, des scènes de films à la Argento/ Polanski, c’est vider les scènes de leur substance pour en retenir juste leur « beauté technique », c’est à mon sens appauvrir la puissance de ces scènes/ plans cultes.


Et donc le film est très lisse. On constate d’ailleurs que dès que le film pourrait être malaisant, provoquer des sensations fortes, l’héroine se reveille de son cauchemar. C’est quand même très Wright, il s’en tire par la pirouette (le réveil dans ce film) quand son film pourrait provoquer des émotions fortes. C’est un film très asexué, sans désir et sans sexe alors qu’en théorie ca parle de ça. C’est quand même l’histoire d’une jolie femme qui veut débuter dans le music hall mais que l’on prostitue de force.


On voit que le film ne traite pas vraiment de l’histoire de Taylor Job car à part le strass et les paillettes, on voit rien d’autres. On apprend par un twist qu’elle fut prostituée et par de succincts passages on aperçoit ses clients vénères et son mac qui la force mais c’est tout, on ne verra pas comment le proxénète a maintenu son emprise sur elle, ni comment elle vit après chaque relation tarifée… Alors ca se justifie dans le scénar car nous voyons de la vie de Taylor Job que le strass et les paillettes qui fait rêver notre héroïne mais dès qu’arrive la fin du film et que l’héroïne rencontre la vieille Taylor Job, elle pourrait lui raconter ce que ca a été d’être prostituée de force et donc ce que c’est d’être dans la réalité une femme dans le milieu du showbiz dans les années 60 loin des fantasmes, c’était l’occasion que le film avait pour traiter de ce sujet et ca aurait été intéressant sauf que BAM, Wright oblige, arrive un twist saugrenu et le film fuit la réalité de son véritable sujet pour juste offrir une scène d’action/ d’horreur banale.


Le film nous dit en discours « la réalité d’une époque est plus sombre que les fantasmes que l’on peut avoir » mais en fait nous montre à l’écran tout le long seulement le fantasme et fuit par des pirouettes scénaristiques la réalité, les difficultés de la chanteuse que l’on verra jamais dans le film.


Le meilleur du film sont les passages où l’héroïne est dans le passé à observer la vie de Taylor Job et que ça influe sur elle, que ça l’a nourrit… bon Wright en fait rien de ce sujet car ça disparait vite à la vue du scénario à rebondissement qui doit avancer rapidement mais dommage j’aurais aimé que ça reste tout le film comme ça.


Puis cette fin, tout ce qui arrive à l'héroine pour qu'au final elle soit diplomée de son école de mode comme s'il c'était rien passé... rentrer dans la norme avant tout est vraiment ce qui semble obsédé les films de Wright soulignant vraiment la limite de son imaginaire d'enfant sage et lisse.


On attend qu'il devienne adulte et là, il sortira son meilleur film, ca sera monumental.


Sinon je le dis pas mais techniquement le film est très joli, certaines scènes sont impressionnantes techniquement, sur le moment même le film peut être séduisant.
Voilà, je pense que j’ai fini.

Black_Adam
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le 20 nov. 2021

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Black_Adam

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