« Tu crois qu’ils ont vu le même film que nous ? »

J'avais un peu peur que La Vraie famille se contente d'être un drame familial français comme on en voit que trop souvent. Bon, en vrai, c'est un peu le cas, le film ne réinvente pas la roue, mais je n'irais pas jusqu'à dire qu'on est devant un film générique, loin de là.


Anna vit avec son mari, ses deux petits garçons ainsi que Simon, un enfant placé chez eux par l’Aide Sociale à l’Enfance depuis l’âge de 18 mois, qui a désormais 6 ans. Un jour, le père de Simon déclare qu’il a l’intention de récupérer la garde de son fils. C’est un déchirement, mais Anna sait qu’elle doit aider Simon à retourner vivre chez lui.


Premier point intéressant : le long-métrage ne présente pas le père de Simon comme le "méchant". Il ne tombe pas dans la facilité, dans le film calimero-larmoyant, en nous présentant les gentilles victimes d'un côté et le méchant père qui reviendrait dans la vie de son fils après l'avoir abandonné de l'autre. Non, on comprend très vite qu'il est une victime de la vie, qu'il a été complétement détruit après la mort de sa femme et que cela fait presque cinq ans qu'il tente de s'en remettre. Il est certes présenté comme quelqu'un de complètement dépassé par moment (il ne sait pas quoi faire à manger pour son fils, il ne sait pas lui faire faire ses devoirs), mais en aucun cas il y a volonté de le présenter comme le nuisible qui voudrait récupérer son fils après l'avoir abandonné.

Aussi, si on s'attache au personnage d'Anna, elle frôlera et dépassera même à plusieurs reprises la ligne rouge, en acceptant le fait de continuer à se faire appeler "Maman" par Simon dans un premier temps, puis en l'emmenant en vacances à la neige sans prévenir les autorités concernées dans un second temps. En fait, je serais tenté de dire que La Vraie famille est le Breaking Bad français, mais vous n'êtes pas prêt pour cette conversation. Plus sérieusement, on comprend très vite que le fait que Simon soit "à part", qu'il ne fasse pas partie de la famille au sens généalogique l'a encore plus rapproché d'Anna. Il y a par exemple cette scène au tout début du film dans laquelle on apprend que Simon n'a pas le droit de faire de l'accrobranche à cause du potentiel danger, "obligeant" Anna à l'accompagner à la piscine au lieu d'aller à l'accrobranche avec ses deux fils. Aussi, si la famille d'Anna est athée (tout du moins non portée sur la religion), celle-ci l'accompagne tous les dimanches à la messe (suite à la demande de son père biologique), renforçant là encore ce lien unique entre elle et Simon.

Le film est aussi très franc avec le spectateur, il ne nous ment pas en tentant de nous faire croire que Simon va rester dans la famille d'Anna : on sait dès le début que l'enfant va être récupéré. Forcément, cela rend la fin du film ne serait-ce qu'un minimum touchant, même pour une personne avec un cœur de pierre comme moi.

Aussi, sans être une véritable diatribe contre les institutions françaises (loin de là), La Vie de famille n'hésite pas non plus à critiquer leur zèle, notamment quand Anna doit se "bagarrer" avec la juge afin qu'elle accepte le fait que Simon aille à l'anniversaire de l'un de ses deux fils durant un après-midi. Bien sûr, encore une fois, il y a tout de même une volonté de se montrer mesuré : Anna se croit par exemple victime de l'institution, étant persuadée que la juge est totalement du côté du père.


Réalisé par Fabien Gorgeart (Diane a les épaules), que je ne connaissais pas jusqu'alors, il s'agit donc du premier film de sa part que je visionne. Au niveau des acteurs, idem, mis à part Mélanie Thierry (Au revoir là-haut, A Perfect Day) et Félix Moati (Hippocrate), la plupart d'entre eux m'étaient de parfaits inconnus. Les acteurs sont d'ailleurs tous très bons, y compris les enfants, ce qui n'est pas forcément chose aisée (je suis encore marqué aujourd'hui par le personnage de Cookie dans La Mariée était en noir tant c'était mal joué).

Pour le scénario, le réalisateur s'est inspiré d'événements réels, dont un qui lui est réellement arrivé quand il était plus jeune, sa famille ayant accueilli un enfant, de ses 18 mois à ses 6 ans (exactement comme dans La Vraie famille donc). Il s'est aussi inspiré d'une histoire qu'il a entendue, concernant l'histoire d'un petit garçon dont la mère est morte peu après sa naissance et qui a pu être récupéré par le père après plusieurs années de reconstruction.

J'évoquais plus haut la présence de la religion dans le long. Le réalisateur est en fait allé plus loin que sa simple mention. Simon étant placé dans un centre nommé "l'arche de Noé" à la fin du film, le sauvant alors du déluge. Aussi, même si cela m'a moins frappé, il affirme s'être clairement inspiré du Jugement de Salomon lors de la séquence chez la juge.

Enfin, je trouve intéressante la manière dont Fabien Gorgeart utilise la caméra durant le film. Cette dernière est très libre dans la première partie du film, les scènes prennent leur temps, nous permettent même de comprendre l'architecture de leur maison, et on a droit à quelques plans-séquence qui ont dû être une galère à tourner quand on se rappelle que ce sont des enfants qui sont filmés. Mais plus on approche de la fin, plus la sensation d'enfermement se fait ressentir : les plans deviennent plus courts, plus resserrés. On se retrouve ainsi devant une sorte de vision plus étriquée. Comme si le cadre, après s'être intéressé à la famille toute entière, prenait exclusivement le point de vue d'Anna une fois arrivé dans sa seconde partie.


Bref, sans non plus être d'une grande originalité, La Vraie famille se révèle être tout de même un mélodrame réussi, qui réussi tout ce qu'il entreprend, et avec des acteurs irréprochables. À voir.

Créée

le 23 juil. 2022

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MacCAM

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