Ancienne critique :


Deneuve, admirable beauté faite femme, peut-elle être plus femme, plus belle, plus forte et plus vive que dans ce film où trois hommes sont amoureux d'elles et laissent leur passion déraisonner leurs actes? Son mari d'abord joué par un Philippe noiret tout en retenue, Henri Garcin qui joue les espions de la résistance avec la classe qu'on lui connait et l'officier allemand qui se contente de beaucoup vociférer (faut croire que beaucoup de français les voient encore comme cela en 1966, la guerre laisse des traces). Pierre Brasseur quant à lui est déjà un fin alcoolo mais qui peine à savoir son texte, des hésitations accrochent l'oreille, sinon son jeu est encore maitrisé...
La photo noir&blanc n'est pas des meilleures, me semble. Une couleur ou une plus forte luminescence eurent été plus appropriées non? Mouais... Le son est parfait, la nuit les criquets chantent, le jour le farniente est soutenu par le chant des oiseaux de l'été. Madame la châtelaine s'ennuie, pas pour très longtemps, les américains débarquent... les anglais aussi mais cela ne nous regarde pas. Quelle classe cette critique! En tout cas, nous nous ennuyons pas : le rythme est élevé, bien cadré, le film s'en sort pas mal.
J'aime beaucoup Rappeneau. Celui-là, son deuxième film à la réalisation, ne me semble pas super abouti. Mais se laisse goûter avec une franche délectation. La photo me gêne tout de même, elle n'est pas en adéquation avec le thème, l'histoire, elle manque de vigueur, que c'est dommage!


Nouvelle critique :


La vie de château n’est pas le meilleur Rappeneau à mon goût, mais il a deux atouts qui rendent son visionnage nécessaire : Philippe Noiret et Catherine Deneuve. Tous deux encore jeunes : vivacité et fièvre qui se marient de façon parfaite au dynamisme propre à la mise en scène virevoltante de Rappeneau.


Philippe Noiret est tout en stature au premier regard, mais son visage rond a encore gardé des expressions de l'enfance. C'est une tête de marmot sur un corps de colosse. Le personnage qu’il incarne vit encore un peu en retrait, près de sa mère. Il est si peu sûr de lui qu’il craint de ne pouvoir empêcher sa pétillante épouse (Catherine Deneuve) d’aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte.


Catherine Deneuve est tout aussi fraîche de jeunesse. Elle joue cette jeune femme qui rêve de Paris, de sortir, de voir le monde qui bouge, de vivre. Enfermée dans ce monde rural trop cloisonné de son enfance, elle étouffe. Les tourments des hommes (l’histoire se déroule pendant la deuxième guerre mondiale) la laissent presque indifférente.


Impatiente, elle se révolte et les beaux discours d’un jeune aventurier (Henri Garcin) ont tôt fait de la détourner de ses premières amours.


“La vie de château” est une jolie parabole sur les premières années d'un couple quand commencent à se dessiner de plus en plus nettement les doutes, les carcans de la routine, alors que la complicité n'est pas encore bâtie sur l'expérience du couple, cet entre-deux de tous les dangers, où les angoisses des deux amoureux ne s'expriment pas facilement et mettent en péril l'union. Dans cette transition, la confiance n'est pas tout à fait établie, voire pas du tout. La passion initiale s'est quelque peu estompée.


Et Philippe Noiret de devoir se faire violence pour tenter de sauver son mariage. Le romantisme provient-il de l'apparition romanesque du personnage joué par Henri Garcin, héros de la résistance et volontiers beau parleur ou bien de la contre-attaque du trop placide époux ?


L’enfiévrée Catherine Deneuve papillonne entre ces deux hommes, à la recherche d’une bouffée d'oxygène. Elle saute, elle court, elle peste. Ses sentiments sont mal définis, troublés par cette sensation d'aliénation. Malgré ce malaise, sa révolte est enthousiasmante. Elle est belle et puissante dans sa frénésie, adorable dans sa fantaisie. Jean-Paul Rappeneau la filme avec amour.


Dans le scénario, quelques temps morts malheureux ponctuent et perturbent de fait la lecture. Les temps de respiration ne sont pas toujours bien amenés. Je ne sais si c’est dès le scénario ou dans la réalisation ou bien encore au niveau du montage, mais le film manque peut-être de liant parfois. En tout cas, j’ai le sentiment que ce n'est pas tout à fait abouti.


J’aime bien ce film, alors qu’il lui manque un peu de couenne.


Captures et trombi

Alligator
7
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le 24 déc. 2012

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3 j'aime

Alligator

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