Mon premier Wakamatsu. Drôle de film, mêlant politique, policier et érotisme, le genre de mêlange propre à la richesse, la liberté et l'extrêmisme du cinéma nippon.

L'histoire me laisse sur ma faim. Les personnages déçoivent, leurs portraits sont un peu limités je trouve.
Dans sa partie politique, l'histoire ressemble fortement à La vie des autres : deux flics posent des micros dans l'appartement d'un gauchiste (joué par Ken Yoshizawa) soupçonné de fomenter une action terroriste. Ils découvrent alors qu'il vit en ménage à trois avec deux jeunes femmes amoureuses et dévouées (Tomomi Sahara et Yuko Ejima).
Pendant la première partie du film, la question de savoir si l'homme est rangé des voitures ou bien réellement un activiste dangereux est presque anecdotique, le scénario examinant les relations à trois, ou plutôt à deux plus un étant donné que les deux femmes sont totalement au service du bonhomme. Ce n'est que dans la deuxième partie que le scénario se dédie plus franchement à l'aspect politique et à la violence.

La violence qu'elle soit sexuelle ou politico-sociale, est omniprésente dans le film. Elle est en grande partie acceptée, voire valorisée, par la partie érotique du film. L'une des jeunes femmes victime d'une tentative de viol dans la rue revient en larmes à l'appartement et Yoshizawa la "viole" pour que "ce ne soit moins dur à subir la prochaine fois". L'autre jeune femme réclame alors d'être elle aussi "violée". Les rapports sont biaisés. Les femmes sont amoureuses, veulent des enfants de cet homme, lequel refuse tout net, trop hanté par son passé et peut-être encore bien impliqué par la politique. En aucun cas, Wakamatsu ne simplifie la lecture de son film. La rencontre entre Yoshizawa et un ancien camarade toujours actif et la bagarre qui s'ensuit -il déclare fuir la politique, un débat idéologique violent s'engage- ne concordent pas avec l'histoire jusqu'alors racontée, avec ce refus d'enfant ou des sentiments. L'homme est dès le départ mort, parasité par son idéologie extrêmiste. Son existence est marquée au fer rouge. La violence de son engagement lui interdit un retour en arrière, la fuite est impossible. Elle lui interdit donc toute implication affective. La violence de son refus d'enfant le rappelle. Il essaie pourtant de sortir de ce qu'il considère maintenant comme inepte et vain, dégoûté par les dissensions au sein des mouvements révolutionnaires. Enfermé dans cet appartement, lui même enserré dans ces tours HLM sans âme ni chaleur, Yoshizawa semble broyé par la société qu'il rejette. Exclu politiquement, exclu affectivement, le final apparait alors comme seule échappatoire. A la fin du film, la question que je me suis posé était de savoir à partir de quand l'inéluctable s'était décidé. Difficile à dire.

Quoiqu'il en soit, on a là une oeuvre extrêmement noire qui fait forcément penser au film noir, au genre en effet. On peut aussi penser surtout au début avec une longue séquence sans dialogue à Melville et son cinéma froid comme l'acier, silencieux comme un tombeau.
Les personnages semblent dénués de libre-arbitre, jouets des autres, ankylosés par une sorte de léthargie sociale, comme des poids morts. Très pessimiste, le film fonctionne relativement bien grâce à un cinémascope qui découpe bien les lignes, soulignant par là les brissures ou cassures que dénonce l'histoire. Grâce également à un noir&blanc de circonstance, seulement rompu par la séquence en couleur liant les drapeaux japonais et américains. Je m'interroge encore sur sa signification.
Les quelques scènes érotiques, très soft, sont un peu trop longues à mon goût, d'autant plus qu'elles ne sont pas au centre du film. Peut-être que l'impératif commercial sur lequel le film a été financé a un peu trop prévalu?

Film intéressant, plutôt bien fait mais qui au final m'a peu ému, les personnages manquant de personnalité.
Alligator
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le 1 mars 2013

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Alligator

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