La deuxième réalisation de l’acteur Louis-Do de Lencquesaing part d’une idée savoureuse : mettre en scène l’éclatement de l’unité familiale et le profond détachement avec lequel ses membres l’acceptent comme point de départ de la nomination ministérielle, Jean étant appelé à quitter ses fonctions de professeur à l’université pour devenir ministre de la famille. C’est dire l’hypocrisie qui règne et dans le milieu bourgeois ici investi et dans le microcosme du gouvernement, tous deux s’octroyant le droit de faire la morale et de donner des leçons de vie alors que la leur est définie par la débauche, l’infidélité, la « névrose ».
Le film peint une collection de personnages grotesques enfermés dans un type de caractère et contraint d’errer dans des appartements immenses et vides, que l’on débarrasse après un décès ou un divorce. Tous sont à l’image du portrait de la jeune fille réalisé par Pissarro et accroché, vite fait bien fait, sur le mur de grand-maman : des figures tristes dans un cadre trop grand pour eux, sans âme ni couleur. Leur mouvement trouve dans l’histoire des anguilles évoquée en début et fin de long métrage une métaphore assez juste : ce petit personnel de théâtre s’agite sans qu’on ne comprenne pourquoi il prend la peine de se rassembler, une fois par an, pour s’accoupler et perpétuer sa lignée maladive. La seule différence véritable avec les anguilles, c’est que les membres de la famille sont dépourvus de mystère : on se moque de leurs problèmes, de leurs destinées malheureuses parce que terriblement solitaires.
La Sainte famille réussit, et c’est là sa principale limite, à susciter un désintérêt total pour les personnages qu’il met en scène : en avouant à son mari être porteuse de l’enfant d’un autre, Marie ne déclenche chez lui que de l’indifférence, ouvre sur une question plus pragmatique : « on va dîner où ? ». Le film est brouillon et balbutiant, mais tire de ses faiblesses congénitales une profonde tristesse devant l’existence, une lassitude qui n’a d’égale que l’absence de surprise lorsque Jean apprend sa nomination.