La deuxième réalisation de l’acteur Louis-Do de Lencquesaing part d’une idée savoureuse : mettre en scène l’éclatement de l’unité familiale et le profond détachement avec lequel ses membres l’acceptent comme point de départ de la nomination ministérielle, Jean étant appelé à quitter ses fonctions de professeur à l’université pour devenir ministre de la famille. C’est dire l’hypocrisie qui règne et dans le milieu bourgeois ici investi et dans le microcosme du gouvernement, tous deux s’octroyant le droit de faire la morale et de donner des leçons de vie alors que la leur est définie par la débauche, l’infidélité, la « névrose ».


Le film peint une collection de personnages grotesques enfermés dans un type de caractère et contraint d’errer dans des appartements immenses et vides, que l’on débarrasse après un décès ou un divorce. Tous sont à l’image du portrait de la jeune fille réalisé par Pissarro et accroché, vite fait bien fait, sur le mur de grand-maman : des figures tristes dans un cadre trop grand pour eux, sans âme ni couleur. Leur mouvement trouve dans l’histoire des anguilles évoquée en début et fin de long métrage une métaphore assez juste : ce petit personnel de théâtre s’agite sans qu’on ne comprenne pourquoi il prend la peine de se rassembler, une fois par an, pour s’accoupler et perpétuer sa lignée maladive. La seule différence véritable avec les anguilles, c’est que les membres de la famille sont dépourvus de mystère : on se moque de leurs problèmes, de leurs destinées malheureuses parce que terriblement solitaires.


La Sainte famille réussit, et c’est là sa principale limite, à susciter un désintérêt total pour les personnages qu’il met en scène : en avouant à son mari être porteuse de l’enfant d’un autre, Marie ne déclenche chez lui que de l’indifférence, ouvre sur une question plus pragmatique : « on va dîner où ? ». Le film est brouillon et balbutiant, mais tire de ses faiblesses congénitales une profonde tristesse devant l’existence, une lassitude qui n’a d’égale que l’absence de surprise lorsque Jean apprend sa nomination.

Créée

le 20 avr. 2020

Critique lue 345 fois

2 j'aime

1 commentaire

Critique lue 345 fois

2
1

D'autres avis sur La Sainte Famille

La Sainte Famille
JorikVesperhaven
5

Ni drôle, ni émouvant, ce film apparaît surtout vain et anodin sans être déplaisant pour autant.

Le second long-métrage réalisé par Louis-Do de Lencquesaing avait tout pour être réussi, de son casting hautement sympathique à son sujet central qu’est la famille, sujet qui est certainement l’un...

le 3 janv. 2020

4 j'aime

La Sainte Famille
Cinephile-doux
5

Le socle de la névrose

Jean, universitaire réputé, se retrouve ministre de la Famille, alors même qu’il est perdu dans les événements qui secouent la sienne. Voilà pour le pitch de La sainte famille qui se déroule grosso...

le 17 déc. 2019

3 j'aime

La Sainte Famille
Charles_Dubois
6

"Les secrets de famille, tout le monde les connait, c'est même pour ça qu'ils sont faits."

La Sainte Famille prend pour objet d'étude une famille d'aristocrates, avec peut-être tout ce que cet univers peut avoir de plus horripilant ; pratiques étranges (vouvoiement entre parents et...

le 8 nov. 2020

2 j'aime

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

86 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

77 j'aime

14