"Vois-tu Riton, mon professeur de philosophie, qui lisait Kant en chiant, en homme de bon goût, m'a dit un jour : la première œuvre, portée par la fougue de la jeunesse, est souvent celle qui tombe dans le piège de trop en faire, trop en dire. Le jeune artiste a faim, il veut plier le monde à sa volonté, montrer qu'il en connait un rayon. Et bien, Russell Crowe, en bon fermier australien aux mains larges qu'il est, saute à pied joints dans le trou avec ce film.

-Mais pardonne-moi Jojo, Russell a plus le physique du mec qui rote du Sauvignon et pète du canard aux fèves. Le bougre en a, de l'expérience, non ?

-Figure-toi qu'il était dans la salle, Riton. Pour nous parler de son film évidemment, avec sa voix grave, pleine de sagesse, celle qui fait taire tout le monde à table. Cette première expérience, nous a-t-il confié, lui a fait réaliser qu’il ne connait encore rien au monde du ciné. Il ne l'a sans doute pas fait exprès mais je n'aurais pas mieux résumé le problème.

-A ce point ?

-Pour te faire le pitch, le film parle de la campagne de Gallipoli, pendant la première guerre mondiale, où l’empire Ottoman affronta les puissances alliées, poursuivit Jojo. Il le fait sous le prisme de Russell Crowe, le fermier, qui part à la recherche des cadavres de ses trois fils morts pendant la bataille.

-Ca m’a l’air plutôt sympa.

-Dit comme ça, oui. Mais il y ajoute une histoire d’amour style Disney toc, un brûlot pas bien subtil sur la place de la femme ottomane, une amitié turque-australienne en forme de buddy-movie d’à peine 10 minutes, des scènes d’action à la Indiana Jones, des méchants grecs vraiment très méchants, du cricket, un sourcier (d’où le titre en anglais d’ailleurs), des scènes de guerre expédiées. Bref, des passages censés être gorgés d’émotions s’enchaînent avec de purs moments de rigolade sans qu’on ait une seule minute pour respirer. Et donc, fatalement, le véritable enjeu du film disparaît sous la somme des clichés balancés à tout-va.
La fin, qui se voulait sans doute émouvante, m’a fait l’impression d’un gros « prooout » largué après un repas trop riche en flageolets.

-Sacré Russell !

-Oui et tout est lourd et symbolique. La perte de la femme, la critique de la religion, le courage, l’amitié, la famille… Et la musique ! Mon Dieu, la musique Riton ! Quelle horreur ! Elle paraphrase tellement les images que c’en devient gênant.

-Donc c’est raté quoi.

-Quelques passages sont sympas, on en apprend un peu plus sur cette partie méconnue du conflit et d’après Russell, le film a tellement marché en Australie qu’ils vont changer les livres d’histoire pour y ajouter ce passage.
Mais en effet, ça ne sauve pas le film."
HenriQuatre
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Jojo, Riton et Yvette donnent leur avis et 2015, c'est vu

Créée

le 24 mars 2015

Critique lue 1.6K fois

19 j'aime

2 commentaires

HenriQuatre

Écrit par

Critique lue 1.6K fois

19
2

D'autres avis sur La Promesse d'une vie

La Promesse d'une vie
Behind_the_Mask
7

Sixième sens

En choisissant comme sujet de son premier film le traumatisme australien de la guerre lointaine à Gallipoli, Russell Crowe n'a pas pris le parti de la facilité. Et c'est par le prisme d'un père à la...

le 28 avr. 2015

14 j'aime

4

La Promesse d'une vie
Rcan
8

Russel dans tout sa splendeur !

La Promesse d'une vie, enfin un film qui se démarque des concurrents de par sa prise de risque mais également la faible présence du gros cinéma américain ! On connait évidemment tous Russell Crowe,...

Par

le 18 avr. 2015

13 j'aime

2

La Promesse d'une vie
Frédéric_Perrinot
4

Promesse en demi-teinte

Les acteurs qui passent pour la première fois derrière la caméra font généralement la même erreur, en plus de celle habituelle de vouloir en faire trop, c'est celle de faire un film exclusivement...

le 18 avr. 2015

8 j'aime

Du même critique

Lost River
HenriQuatre
8

Ryan Macabre Gosling

S'il est une chose particulièrement forte à propos de Lost River, c'est bien son sens de l'esthétisme en dépit de toute linéarité dans le récit. En effet, si l'on ne comprend jamais tout à fait où...

le 7 avr. 2015

58 j'aime

12

La Rage au ventre
HenriQuatre
7

Grrrrr

Ah, un nouveau film d'Antoine Fuqua est toujours un plaisir à découvrir ! On ne sait en effet jamais si le bougre va nous pondre le prochain Training Day ou une série Z sans âme style Equalizer. Si...

le 22 juil. 2015

38 j'aime

3

Lucy
HenriQuatre
2

Universalité du pet

Lucy pose la question tout à fait légitime de la flatulence universelle. Que se passerait-il si une personne disposait soudain d'un anus si puissant que son souffle contiendrait à lui seul toutes les...

le 8 avr. 2015

38 j'aime

4