Etat de nature : entre nostalgie et philo de comptoire

"La panthère des neiges" se distingue par une maîtrise visuelle remarquable : les réalisateurs ont su capturer l'essence des paysages avec finesse. Cependant, cela est quelque peu terni par l'usage abusif de plans répétés, qui, bien qu'esthétiquement plaisants, finissent par entraver l'immersion. Derrière la caméra, on peut noter l'ambition de Marie Amiguet de proposer des formes explicitement cinématographiques, cherchant à pousser les limites de l'expression artistique ; oui, nous sommes loin du documentaire animalier pré-endormissement. Cette volonté de cinéma se manifeste clairement dans les scènes de tension intense, comme celles impliquant trois ours pret à bondir sur le cadre ; un vrai moment de suspense et de danger.

Le montage du film, alternant entre des interactions humaines joyeuses et les moments de solitude avec les animaux, offre une structure narrative riche, mais étrangement en désaccord avec la critique assommante du "contrat social" proférée par la voix off. Car il faut en parler de cette voix off : captivante puis très vite irritante. Loin de compléter ou d'élargir la portée des images, elle se limite à des platitudes et à une pseudo-philosophie incitant à lever brièvement les yeux au ciel, souvent dans un geste arqué de gauche à droite connu sous le nom de "roulement des yeux" (souvent accompagné d'un soufle, prolongé et monotone ainsi que d'un léger haussement d'épaules). Il y a un décalage flagrant entre les commentaires, qui opèrent sur un plan normatif, et les images, ancrées dans le descriptif. Ce contraste entre le discours moralisant et la réalité silencieuse crée une dissonance qui déçoit, d'autant plus que ce procédé aurait pu briller par sa subtilité s'il avait été mieux maîtrisé.

En somme, le film est un mélange de réussites visuelles et d'opportunités manquées sur le plan "audio-narratif". Les réalisateurs montrent une habileté indéniable à capturer la beauté du monde, mais le film souffre d'un déséquilibre entre l'image et le commentaire, laissant le spectateur avec une sensation de potentiel inachevé.

Odenuum
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films vus en 2023

Créée

le 14 déc. 2023

Critique lue 11 fois

Odenuum

Écrit par

Critique lue 11 fois

D'autres avis sur La Panthère des neiges

La Panthère des neiges
Daziel
10

L'esthétisme, une philosophie

Vincent Munier a fait de l'esthétisme une philosophie, il dit avoir "choisi de célébrer la beauté plutôt que de creuser le désespoir". Ses photos sont très belles, la narration de Sylvain Tesson et...

le 20 déc. 2021

25 j'aime

8

La Panthère des neiges
Behind_the_Mask
8

Un fantôme dans la montagne

Est-ce un énième documentaire animalier ? Est ce une de ces sempiternelles adaptations de bouquin à succès ? Ou une réflexion ? Je ne sais pas ce qu'est finalement La Panthère des Neiges avant...

le 18 janv. 2022

24 j'aime

6

La Panthère des neiges
Alsh74
5

Panthère des neiges

Les clichés des paysages et de la faune sont sublimes, et c’est très doux de voir ces 2 êtres naviguer en ces terres. Le film est très sensoriel : il est visuel, sonore et presque physique tant la...

le 9 janv. 2022

23 j'aime

7

Du même critique

143, rue du désert
Odenuum
8

À mi-distance entre la misère et le soleil

C'est comme un enchaînement de plan fixe sur une existence camusienne dans un désert prolifique et silencieux. L'exil approchant, Malika s'attache à son royaume.- Pourquoi restes-tu ici ? ...

le 6 janv. 2023

1 j'aime

L'Essor de l'Empire ottoman
Odenuum
7

De Constantinople à Istanbul

Résumé. C’est un bon documentaire qui à l’avantage d’être accessible et riche en rebondissements. Si Constantinople vous fascine (ou pas) je ne peux que vous conseiller de regarder cette série...

le 30 janv. 2020

1 j'aime

1