À l’occasion de sa ressortie en salles dans une superbe version restaurée inédite en 4K, de l’emblématique La Nuit des morts-vivants de George A. Romero, retour sur cette œuvre du patrimoine cinématographique, dont l’influence reste toujours prégnante.
« Les films sont toujours une échappatoire ». Comment ne pas voir dans cette allégorie personnelle le cinéma indépendant de George Andrew Romero ? Fils de George, père d’origine cubaine, et d’Ann M. Romero, il vit le jour en pleine nuit, le 4 février 1940, à New York. Passionné de bandes dessinées, il reçoit en cadeau d’anniversaire à 14 ans une caméra 8 mm avec laquelle il réalise des films, subissant même une arrestation à l’occasion de son premier tournage pour avoir lancé un mannequin enflammé du haut d’un immeuble. En 1960, il achève ses études de dessin, design et peinture à l’université Carnegie Mellon de Pittsburgh. Diplômé, il fonde l’année suivante la société « Latent Image » qui produit des documentaires et des publicités. En 1967, dans le but de financer un long-métrage, son entreprise s’associe avec d’autres sociétés et se nomme « Image Ten Productions ». Aidé par le scénariste John A. Russo, et s’appuyant sur une nouvelle écrite par ses soins inspirée du roman Jesuisunelégende, de Richard Matheson (paru en 1954), George A. Romero entame en 1968 le tournage de La nuit des morts-vivants. Dès sa sortie, le 1er octobre 1968, ce film devient instantanément un classique, et demeure l’une des œuvres la plus rentable du cinéma indépendant.
« La vie c’est cela, un bout de lumière qui finit dans la nuit », écrivait le romancier Louis Ferdinand Céline. Depuis 1968, et à l’occasion de ce film bricolé entre amis avec un minuscule budget de 114 000 dollars, dont la moitié en fonds personnels, le voyage cinématographique fantastique décolle. Le genre horrifique est avant tout choisi par souci de rentabilité. Les contraintes financières poussent la production à puiser son casting dans son proche entourage, à tourner en noir et blanc (35mm), et à utiliser peu de maquillage, ce qui donne au récit un côté ultra-réaliste et des zombies plus humains, loin des œuvres grand-guignolesques de Gordon Herrschel, comme Blood Feast (1963). Influencé par le réalisme de Michael Powell (Le Voyeur, 1960) et d’Alfred Hitchcock (Psychose, 1963), George A. Romero prend le « gore » au sérieux. Il l’utilise même pour délivrer un message politique, social et racial, à travers le choix – osé pour l’époque – d’un acteur noir comme héros.
Caméra à l’épaule, prise de son direct, approche quasi documentaire, formellement brut et sauvage – avec des scènes de cannibalisme -, montage heurté, vision nihiliste de la société : tout pour mettre en lumière les angoisses d’une Amérique en proie à l’apocalypse (Vietnam, Ku Klux Klan, arme atomique, domination des médias). « J’ai toujours utilisé le zombie comme un élément d’une satire ou d’une crise politique » déclarait le cinéaste, il y a peu. La nuit des morts-vivants, avec son esthétisme crépusculaire et ses valeurs radicales, engendre un véritable bouleversement «qui a influencé tant de films » déclare John Landis, réalisateur du clip Thriller (1981) de Michael Jackson. Effectivement, de Sam Raimi (Evil Dead, 1981) à Zack Snyder (L’armée des morts, 2004), son empreinte est prégnante.
George A. Romero a aussi créé les règles de base des films de zombies (morsure, élimination avec balle dans la tête, etc…) et fait entrer irréversiblement ces morts-vivants dans une nouvelle ère que le cinéma et la pop culture continuent toujours de décliner sous toutes les formes : bandes dessinées, jeux vidéos film WorldWarZ de Marc Foster (2013), En attendant la nuit (2023) de Céline Rouzet, séries télé The Walking Dead (2010-2022) et The Last of Us (2023) notamment.
En attendant juste la fin du monde...