Après Assaut, Carpenter se voit confier un projet de film d’horreur avec un tueur psychopathe s’en prenant à une babysitteuse. De cette simple idée, le cinéaste va passer dans toute autre dimension en se faisant connaître du grand public et initier l’une des franchises horrifiques les plus iconiques de l’histoire du cinéma ainsi qu’un pilier fondateur du sous-genre horrifique du slasher. Nous sommes alors seulement 4 ans après Black Christmas, le tout premier slasher à mes yeux. Voyons si la nuit des masques mérite à mes yeux ce formidable héritage qu’elle a laissé derrière elle.


RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★★☆


La scène d’introduction en vue subjective est une idée de mise en scène brillante puisqu’elle permet à la fois de créer ce sentiment malaisant d’incarner le tueur pour se retrouver comme acteur impuissant face à son crime et de masquer l’identité du tueur qui pourra être révélée par la mise en scène seule. Et plein d’autres idées se retrouveront dans le film avec l’utilisation de l’arrière-plan montrant Michael suivant sa cible en toute discrétion, l’hors-champ pour pousser le spectateur à imaginer une horreur indescriptible, les éclairages et les ombres pour souligner les menaces ou les expressions de terreur…


Carpenter arrive aussi à surprendre assez bien en utilisant un cliché de mise en scène une première fois pour un jumpscare très téléphoné avant de le feindre par la suite pour le placer à un moment inattendu, ou en les faisant d’un coup s’enchaîner alors qu’ils étaient jusque-là espacés les uns des autres. Ce qui lui permet à la fois de populariser les codes du slasher, sous-genre encore naissant, tout en jouant avec ceux-ci intelligemment, comme s’il voulait déjà s’émanciper a minima des standards, ce que je trouve assez admirable, aussi bien dans l’idée que dans l’exécution.


Michael Myers est très intelligent mis en scène également en montrant souvent sa silhouette inquiétante, son bras imposant, son masque dérangeant, son ombre géante… pour toujours être associé à l’idée de frayeur, ou au moins de tension, il n’y a qu’à voir à quel point ses suites n’arriveront pas à le reproduire si bien pour saisir toute la réussite de ce film-ci en la matière. C’est aussi ce qui permet au film de composer une ambiance horrifique constante malgré un très faible nombre de scènes violentes en réalité.


Le film est d’ailleurs pour moi un cas d’école de comment faire peur avec peu de moyens et peu de violence graphique, beaucoup de films d’horreur qu’il inspirera plus ou moins directement ne pouvant s’en vanter aussi bien. Ces derniers se contenteront au contraire bien trop souvent de créer la polémique par la violence en quête de visibilité pour se distinguer facilement de la féroce concurrence du genre généralement peu coûteux. Halloween avait pourtant montré une voie bien plus intéressante à emprunter.


La musique culte composée par Carpenter lui-même s’imposera avec force dès le premier instant du film et jusqu’à son dernier. Le film saura la rendre plus puissante en la mêlant aux éclairs, aux cris, aux râles de respiration… même si elle finira peut-être par être surexploitée. Cela étant dit, elle est tellement importante pour l’ambiance que je ne m’imagine pas le film sans elle qui se rappelle à nous toutes les 5 minutes, mon avis est donc assez partagé sur la question.


SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★☆☆☆


L’ambiance d’Halloween permet de jouer sur la présence d’enfants auxquels on impose une ambiance de peur qu’ils ne recherchent pas tous, qui se laissent prendre au jeu des légendes urbaines effrayantes auxquelles ils contribuent malgré eux, qui ne sont pas pris au sérieux quand ils détectent la menace qui pèse sur nos protagonistes qui prennent ça pour une blague… une idée de Carpenter assez pertinente pour à la fois enrichir la proposition horrifique tout en offrant un facteur supplémentaire de succès commercial, la sortie du film ayant été calée avec la date d’Halloween.


Par contre, si Carpenter s’en est toujours défendu, la morale résultant du film est tout de même assez misogyne et conservatrice en sanctionnant les jeunes femmes à la sexualité un peu trop libérée et les jeunes hommes incapables de les protéger. Il rend également illusoire la protection des personnes par les forces de police qui sont parfaitement incapables d’agir, tout au mieux de constater les dégâts, et encore, ce qui peut aussi être interprété comme un message encourageant l’autodéfense et le port d’armes, très réglementé dans l’Illinois, même si ce n’était pas l’intention du réalisateur.


Pour le casting, malgré le manque de budget, les acteurs principaux s’en sortent très bien avec une Jamie Lee Curtis qui va se révéler au grand public, un Donald Pleasence très convaincant et j’ajouterais également Annie Brackett qui est assez attachante malgré un rôle de fille peu sérieuse qui peut vite devenir insupportable. La seule petite ombre au tableau c’est que les rôles secondaires peuvent être assez amateurs, notamment certains enfants qui semblent vraiment réciter leur texte mais ça serait être exigeant que de le reprocher alors que de films avec de bien plus hauts budgets peuvent également galérer à ce sujet.


J’aurais quelques réserves personnelles à émettre au scénario. Déjà, l’élément perturbateur de début de récit expliquant la fuite de Michael est vraiment bâclé, en parfaite opposition avec la présentation quelques secondes plus tôt montrant à quel point il fallait le sécuriser. C’est un raccourci scénaristique indigne d’un film avec une telle réputation critique, fort heureusement c’est une des rares fois où le récit trébuche. Une autre réserve serait encore plus personnelle concernait Michael Myers et pour la comprendre j’insiste sur le fait que je parle ici de scénario et non de mise en scène dont j’ai fait l’apologie tout à l’heure.


Rien ne caractérise vraiment la personnalité de Michael Myers en dehors du fait que c’est une brute, qu’il ne parle pas, qu’il tue principalement des animaux pour se nourrir et de préférence des jeunes femmes à l’arme blanche et/ou par strangulation après les avoir vu dénudées et cela depuis sa plus tendre enfance, et enfin qu’il a certain goût pour la mise en scène des corps de ses victimes. C’est assez pour en faire le psychopathe perturbant que le film recherchait à avoir, de là à en faire l’antagoniste emblématique qu’il est devenu par la force des choses, j’en suis moins certain. Certaines idées explorées dans les suites me semblent plus prometteuses, même si ces dernières ne seront jamais suffisamment exploitées ou assumées.


L’une des meilleures idées du scénario à mon sens, c’est sa fin :

En faisant survivre Michael aux différents coups qu’il a reçu jusqu’aux coups de feu qu’on ne peut que croire létaux, l’antagoniste dégage une aura d’invincibilité le rendant bien plus impressionnant, fait naître un mystère sur une éventuelle force surnaturelle qui l’habiterait, fait planer un sentiment de peur au-delà du visionnage, constitue un twist final assez réussi et ouvre une porte pour des suites qui ne s’imposent pas nécessairement pour autant, la fin pouvant signifier qu’on ne pourra jamais se mettre à l’abri définitivement du mal.


En bonus, le clin d’œil à The Thing dont la version de 1951 est diffusée dans le film comme film d’Halloween fait un bien sympathique teasing pour la version sur laquelle le réalisateur se penchera quelques années plus tard, son plus grand chef d’œuvre à mes yeux.


CONCLUSION : ★★★★★★★★☆☆


Accomplissant un box-office de 70 millions de dollars pour les 300.000 de budget, Halloween est tout simplement l’un des films les plus rentables de l’histoire du cinéma et si les pratiques douteuses qu’il inspirera malgré lui peuvent tenir cet exploit commercial, ses idées de mise en scène brillantes, sa peur authentique sans recours à une violence graphique exagérée, son ambiance d’Halloween pertinente et bien utilisée ainsi que sa fin d’anthologie en font incontestablement l’un des plus grands films d’horreur de l’histoire sur le plan critique également.

damon8671
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le 11 janv. 2024

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