La première fois que je l’ai vu, il y a de 15 ans de cela, on m’a dit que cet enfant n’avait plus ni raison, ni conscience. Qu’il ne réagissait plus aux choses les plus rudimentaires comme la vie ou la mort, le bien et le mal, le vrai et le faux. J’ai vu cet enfant de six ans au visage mort, pâle, où ne se peignait aucune émotion avec d’immenses yeux noirs, les yeux du malin ! J’ai passé huit ans à vouloir trouver le contact et puis sept autres années à lutter pour qu’on ne le relâche pas car j’avais la certitude que ce qui habitait cet enfant, c’était purement et simplement… le mal.




Il existe... le croque-mitaine ?



Le soir d'Halloween 1963, un jeune garçon à peine âgé de six ans du nom de Michael Myers
enfile un masque de clown, saisi un couteau et d'un geste inexplicable massacre sa grande sœur. Comme si l'âme de l'enfant avait quitté son enveloppe charnelle pour laisser le mal entrer. Le garçon est envoyé en internat psychiatrique par la police pour y être oublié. Un fait divers tragique parmi tant d'autres. Quinze années plus tard, l'enfant devenu un homme finit par s'échapper de l'asile psychiatrique. Débute alors le cheminement fantomatique d'une entité diabolique qui durant une nuit d'Halloween de 1978 à Haddonfield, va marquer à jamais le monde en opérant une tuerie. Une boucherie monstrueuse qui va inscrire pour des générations dans la chair, la paranoïa, la terreur et les hurlements le nom de Michael Myers, le croque-mitaine. Silencieusement, il observait les alentours et avançait de sa funeste stature. Son visage pale au regard noir inexpressif traduisait une entité fantomatique dénuée de la moindre expression. Un couteau de boucher à la main, il était prêt à appliquer sa terrible sentence sur les pauvres adolescents ayant le malheur de croiser sa route. Ce que les gens ignoraient, c'est que tapis dans l'ombre du boogeyman se cachait la véritable source de ce mal mystique. Le vrai responsable de toute cette fureur cauchemardesque. Un marionnettiste diabolique du nom de "John Carpenter", alias "Big Jones".


La Nuit des masques n'est pas le premier film d'horreur à présenter un tueur impitoyable découpeur de pauvres adolescents avec des titres comme "La Baie Sanglante" de Mario Bava, "Psychose" d’Alfred Hitchcock, "Massacre à la tronçonneuse" de Tobe Hooper, ou encore "Black Chrismas" de Bob Clark. Des œuvres prépondérantes, à l'origine de la création d'un genre (je n'aime pas l'appellation sous-genre) à part entière, le "slasher". Un genre constitué de codes simples : "un assassin psychopathe, au plus souvent muni d’un masque, assassine un groupe (au plus souvent) d'adolescents, avec (la plupart du temps) une arme blanche"; que Carpenter va terminer de populariser auprès du grand public avec Halloween. De ce fait, Halloween marque à jamais l'histoire du cinéma slasher en étant un véritable tremplin pour des franchises comme "Vendredi 13" de Sean Sexton Cunningham, "Freddy" de Wes Craven, "Jeu d'enfant (Chucky) de Tom Holland, jusqu'à "Scream" une fois encore de Wes Craven.


La Nuit des masques sera un énorme succès autant critique qu'économique. Il est le point de départ d'une immense saga, qui 40 ans après, est encore capable de proposer des suites qui cartonnent au box-office. Une réussite qui n'empêchera pas une baisse de qualité conséquente avec beaucoup trop de suites qui plongeront la saga dans les méandres du nanar. Un remake de Rob Zombie remettra les pendules à l'heure, en proposant une vision plus intimiste du meurtrier, qui se soldera par une suite chaotique. Malgré tout, la magie d'Halloween continue à opérer et réussi encore à nous surprendre et à réunir. Notamment, à travers une nouvelle trilogie d'une qualité plus ou moins bonne, qui je n'en doute pas laissera place à d'autres reboots qui sortiront à travers les décennies. Michael Myers est immortel. Ce long-métrage prouve la grande puissance de ce titre ayant fait découvrir au monde entier le génie de son créateur, qui a rendu à la fête d'Halloween ses lettres de noblesse.



Les âmes les plus sombres ne sont pas celles qui choisissent de se terrer dans l’enfer des abysses, mais celles qui décident de se libérer des tréfonds pour se glisser en silence parmi nous.



Le scénario de La Nuit des masques bien que simple est une prouesse d'écriture écrite en seulement trois semaines. Un récit qui va au plus déterminant à travers des éléments de lecture qui servent de prétexte à des expérimentations techniques pour son cinéaste. Dès la scène d'ouverture, on assiste à un meurtre sur une mise en scène (à l'époque) peu commune à la première personne, où le spectateur voit à travers les yeux du contour du masque du tueur. Une technicité inspirée d'Alfred Hitchcock avec son Psychose. Une pratique astucieuse qui sans aucune futilité nous plonge dans l'esprit dérangé du tueur. Une approche qui décontenance le spectateur à la révélation très rapide de l'identité du tueur : un enfant à peine âgé de six ans. Un sentiment de malaise aussitôt appuyé par un générique d'introduction glaçant. Une composition musicale d'une importance cruciale qui "clairement", marque l'atmosphère. Composée par John Carpenter lui-même, le thème musical principal accompagné d'autres titres comme : "Laurie's theme - Shape escapes - Meyer's house - Michael kills Judith - Loomis and shape's car - "The haunted house" - The shape lurks - Laurie knows - Better chack the kids - The shape stalks...", renforce grandement l'épouvante ressentie par les vas et viens dû croque-mitaine dans les rues de Haddonfield. Une musique pourvue de notes aiguës et lancinantes jouées au piano, faisant référence à la présence du malin. De longues partitions lancinantes qui deviennent insoutenables. Parmi les meilleures compositions de Big Jones.


John Carpenter, tel un espion, caméra à l'épaule, calque tour à tour les agissements de son meurtrier, puis de ses proies, jusqu'à finir par pénétrer l'intimité de ceux-ci. Un harcèlement par le champ de vision observé depuis le regard fixe de Michael qui appuie son regard sur l'un, pour poursuivre le même tourment chez les suivants. Une mise en scène maligne et ingénieuse qui pose ainsi bon nombre de séquences fortes dans un jeu technique servant l'histoire du récit. Chaque cadre confère une sensation oppressante par ses positionnements astucieux. Une technique qui alterne les mouvements de l'image aux plans fixes, donnant l'impression de voir à nouveau par le regard du croque-mitaine. Une méthodologie peu commune pour un résultat anxiogène brillant.


Ce sentiment pénible par le prisme obscène harceleur de Michael Myers offre un jeu horrible d'observation indécent et vulgaire qui prend son temps. Avec lenteur et sans aucune scène d'hémoglobine, Carpenter confère un sentiment de toute-puissance et d'imprévisibilité au croque-mitaine. Ainsi, l'attente du passage à l'action de Myers devient insoutenable et stridente. L'oppression véhiculée par la présence constante et durable de Michael Myers devient le moteur de l'anxiété et de l'inconfort véhiculés sur l'écran. Longues scènes de voyeurisme malsain qui donnent une atmosphère lourde instrumentalisée par une fluidité de réalisation révolutionnaire. Une mise en scène éclatante d'austérité sur un jeu de caméra mémorable avant que débute le massacre. Voilà ce que représente La Nuit des masques.



Il s’est sauvé ! Il s’est sauvé ! Le Mal est en liberté !



Le casting n'est pas fou fou. Il faut même reconnaître que c'est assez surjoué pour l'ensemble des seconds rôles. Fort heureusement deux comédiens sortent du lot en présentant des incarnations pour le moins réussites. D'abord, l'héroïne principale ! Une véritable icône des films d'horreur, la géniale "Jamie Lee Curtis" alias "Laurie Strode". À l'époque inconnue du grand écran, John Carpenter trouve en Jamie Lee Curtis le potentiel d'une survivante. Une héroïne forte avec qui il fera plusieurs collaborations jusqu'à ce qu'elle devienne une figure emblématique luttant contre le mal. Une guerrière charismatique que l'on retrouvera sur bien d'autres titres du même genre, tel que : "Fog" de John Carpenter, "Déviation mortelle" de Richard Franklin, "Le Monstre du train" de Roger Spottiswoode, "Le Bal de l'horreur" de Paul Lynch, "Virus" de John Bruno, et bien d'autres Halloween. Plus de 40 ans après Halloween, la comédienne pourtant âgée, continue le combat contre les forces des ténèbres ! Une figure emblématique du cinéma à ranger à côté de Sarah Connor et Ellen Ripley.


Une comédienne que j'adore avec sa petite frimousse fragile telle une rose qu'il ne faut pas sous-estimer car elle cache de belles épines. Ce que j'aime avec elle, c'est que plus elle prend de l'âge et plus son teint si innocent se transforme en celui d'une femme forte. Particulièrement, lorsqu'elle fera sa fameuse coupe au carré. Vient ensuite le comédien Pleasence Donald, qui joue le psychiatre Samuel Loomis. Présenté comme le seul à réellement saisir le danger que représente Michael Myers. Il est un peu son alter égaux. Celui qui a tenté pendant quinze années de comprendre son esprit dérangé et finalement celui qui deviendra la barrière ultime de son parcours. J'aime beaucoup sa proposition grave, qui parfois en fait un peu des tonnes sur la représentativité dû croque-mitaine, mais qui se révèle au vu de sa résistance peu commune pas si exagéré que ça. Un bon personnage.


Entre en jeu le mal ultime : Michael Myers ! L'assassin au masque blanc, une vraie figure chimérique du mal dont on ne connaît rien dans ce film à part le strict minimum laissé par son créateur. Il est triste de se dire que Myers va prendre Laurie et son petit groupe en chasse simplement parce qu'elle a laissé une clé sur le paillasson de l'ancienne maison du tueur. C'est ce qui s'appelle être au mauvais endroit au mauvais moment. Pas de chance pour le groupe d'adolescents. De sa carrure imposante et de son masque livide, Michael passe pour une entité sans âme n'ayant pas peur de s'exposer, mais ne supportant pas d'être à visage découvert. Le mystère plane sur lui tout du long du périple, et il faudra attendre des suites pour comprendre qui il est réellement. Ce qui est en soi dommage car c'est justement la non-compréhension, ainsi que le manque d'information du personnage qui le rend si flippant, contribuant à sa légende. Après vu les nombreuses propositions de l'assassin à travers les nombres films il y a assez d'éléments et de proposition pour faire plaisir à n'importe qui.



CONCLUSION :



Halloween, La Nuit des masques est un des pionniers du slasher, livrant de par le talent indéniable de John Carpenter un montage dingue et réfléchi calculer de bout en bout pour offrir une immersion totale. Grâce à une mise en scène oppressante qui encore aujourd'hui est à l'origine d'une angoisse efficace avec une musique épique qui appuie les nombreuses vues subjectives offrant un opéra glauque unique et performant, ce film se présente comme un chef-d'œuvre du genre. Une performance atmosphérique servie par un tueur qui deviendra très rapidement iconique avec son visage inexpressif, ainsi que la découverte de la fameuse et emblématique baby-sitter "Jamie Lee Curtis". Malgré l'âge, le film n'a pas pris une ride. Halloween, c'est la révélation du génie d'un cinéaste qui pas une seconde aurait pu imaginer que cela l'entraînerait aussi loin.


Les prémisses de la légende du mal...




  • Comprenez bien que la chose est un monstre, et la chose ne doit pas être sous-estimée.

  • Ne pouvons nous pas considérer la chose comme un homme ?

  • Vous ne savez pas ce que vous dites !

  • Votre compassion force le respect, docteur !


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le 10 nov. 2018

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